Lorsque le Cayenne prend pour la première fois la route en 2002, ce sont des jets de tomates qui l’accueillent, ou tout comme. Comment Porsche, la maison mère du coupé sportif ultime, la 911, a-t-elle pu s’abaisser à concevoir un vulgaire crossover ? Plus qu’une erreur stratégique, c’est bien d’un délit de blasphème que les ingénieurs de Stuttgart se sont rendus coupables aux yeux des zélotes de la prestigieuse firme allemande. Il convient de rappeler que le visage du monde automobile de 2002 n’avait pas encore été durablement transformé par le phénomène des SUV, comme c’est le cas aujourd’hui. Dix ans plus tard, le Cayenne caracolait allègrement en tête des modèles les plus vendus de Porsche. Ce grand routier est même parvenu à ouvrir la voie au Macan, son petit frère, dont la naissance n’a pas autant agité les foules. La fratrie a permis à Porsche d’être de loin le constructeur le plus rentable du monde et d’enchaîner, année après année, les records de ventes et de bénéfices.
Entre-temps cependant, BMW a dégainé son X6, version coupée de son majestueux X5, Mercedes s’est fendu de son GLE Coupé et, plus récemment, Audi a donné naissance à son Q8. Tôt ou tard, le Cayenne se devait donc de se plier aux injonctions de l’époque. Il faut l’accepter, la fonction d’une voiture ne détermine plus sa forme : les berlines deviennent des SUV, les breaks adoptent les traits des breaks de chasse et le crossover se rapproche des berlines coupées. Une tendance de fond que le Cayenne a mis trois générations à intégrer : c’est aujourd’hui chose faite avec trois versions « Coupé » au programme.
Le roi de la route
La première de ces versions, sobrement baptisée « Coupé », embarque un V6 3 l de 340 ch ; la deuxième, le « Coupé S », pousse la cavalcade à 440 ch et la dernière, le « Coupé Turbo », montre les muscles avec son V8 4 l de 550 ch… en attendant la version e-hybride rechargeable prévue pour la fin de l’année.
Pour l’occasion, le toit est rabaissé de 2 cm pour une ligne au plongeon vertigineux. Le travail réalisé par les petites mains de Stuttgart ne s’arrête pas là. On note l’arrivée d’un impressionnant toit vitré panoramique (0,92 m2), d’un aileron arrière qui apparaît dès que le Cayenne atteint 90 km/h et de jantes 20’’. Les montants de pare-brise sont davantage inclinés, les sièges arrière encore plus creusés et les voies ont été élargies de 2 cm pour rendre possible l’élancement du hayon. Des retouches de fond qui justifient sans doute le surcoût que représente cette version Coupé : comptez 5 500 € de pus que le Cayenne « classique ». C’est davantage que ce que demande BMW entre son X5 et son X6 ou que Mercedes entre ces deux GLE, mais les modifications, qui donnent au Cayenne des airs de 911 rehaussée, sont plus importantes.
Le Cayenne Coupé S, par exemple, s’affiche à 101 807 €. Attention tout de même, une telle somme ne donne aucun autre droit que celui de parcourir la liste des options ! Pour le régulateur de vitesse intelligent, la surveillance des angles morts, l’accès et le démarrage sans clé, les freins tungstène, le toit carbone qui permet de gagner 32 kg, le pack off-road ou encore les caméras à 360°, il faudra repasser à la caisse. Un détail, sans doute, pour les futurs acquéreurs d’un tel véhicule, mais une pratique un peu trop courante chez les constructeurs allemands.
Une fois à son volant, le Cayenne Coupé, notamment en version S, fait vite oublier ces basses considérations matérielles. Le mode de conduite « Normal » donne déjà le ton : le Cayenne S Coupé est un monstre placide que rien ne fait sourciller. Passez en mode « Sport+ » et la cavalcade furieuse commence. La garde au sol s’abaisse alors de 16 cm, la boîte automatique ajuste ses rapports et le V6 se libère. Rarement la sensation de faire corps avec une voiture n’a été aussi prégnante qu’au volant de ce Cayenne Coupé S : le train avant semble être littéralement un prolongement des bras. La technologie, roues arrière directrices et transfert vectoriel de couple, font le reste. Le 0 à 100 km/h est gobé avec délectation en 4,9 s. Un plaisir coupable dès que l’on jette un œil aux consommations : avec plus de 15 l/100 km, on dépasse largement les normes actuelles de l’acceptable. Pour ne pas entendre les appels de la raison, on se réfugiera à l’intérieur, véritable écrin de luxe. Écran multimédia 12,3 pouces, instrumentation partiellement digitale avec compte-tours analogique en clin d’œil historique, coffre de 625 l, espace arrière irréprochable, finitions sans faille… le Cayenne Coupé n’usurpe pas son titre de roi de la route.