HoplaGraph! vient de Hopla Geis, « on y va » en alsacien, c’est votre expression fétiche ?
Oui, Hopla Geis devient HoplaGraph!, de graphiste et non de graffeur, c’est mon métier et le jour où j’ai trouvé, ça m’a fait rire. C’était suffisamment proche et compréhensible pour les Alsaciens pour être utilisé, et c’est devenu ma signature.
Avez-vous toujours été graphiste ?
J’ai une formation en communication d’entreprise et en PAO, publication assistée par ordinateur, les logiciels d’édition et d’illustration. J’ai travaillé une quinzaine d’années à Paris, et je suis passé d’un graphisme technique à créatif pour des agences de communication et de design. J’ai pris passion pour le dessin de lettres, signes, symboles… Quand je suis revenu en Alsace, c’était comme une madeleine de Proust quand j’entendais une expression. Tout ce bagage m’a amené à dire qu’il y avait des choses à revisiter en Alsace…
Vos grands-parents vous ont-ils appris l’alsacien ?
Mes grands-parents sont originaires de Romanswiller, La Wantzenau, Traenheim et Mittelbergheim. Mon grand-père boulanger est venu s’installer à Strasbourg où j’ai grandi : cet ancrage en Alsace m’a bercé au moment des fêtes, j’ai fait mes premiers pas à la ferme proche de la Mossig, j’ai ramassé le foin avec mes cousins dans les villages… Pour la langue, ma mère m’a transmis le français. Mais j’entendais des mots qui me faisaient rire, et j’ai toujours été attiré par cette langue mystérieuse qui révèle des images fabuleuses quand on s’y intéresse. Je ne prétendrais pas faire une conversation, mais je comprends !
C’est la réflexion liée au confinement de 2020 qui a impulsé la création de HoplaGraph!…
Ce passage covid/après-covid correspond à un rebond dans ma carrière où les choses étaient plutôt calmes et plates. Entre commandes et expression personnelle, c’est un saut que j’avais envie de faire et je me suis dit que la période était propice pour se rapprocher de ma culture : je suis alsacien. Je me demandais ce que ces traditions d’un autre temps allaient devenir, et je ne voyais pas de graphisme emprunter à cette richesse-là. Je pensais faire un grand écart entre tradition et modernité, je ne savais pas si ça allait plaire !
Quelle était votre première affiche ?
Hopla-man, le détournement de Pacman en maison alsacienne ! Il y a un peu de Hansel et Gretel en même temps, et lorsque j’ai vu le résultat, il me plaisait bien. J’ai commencé à définir les codes de mes personnages, j’en ai extirpé l’Alsacienne et ajouté des mots qui me font rire comme Extra Wurscht. Je l’ai affichée dans mon bureau, et les gens éclatent de rire en la voyant. C’est un de mes bonheurs parce qu’un graphiste est souvent derrière un écran, et quand j’expose, je peux alternativement voir des enfants qui comptent le nombre de bretzels ou une dame de 97 ans qui aime « les couleurs et la joie » et me dit « c’est un peu moi ».
Vous touchez toutes les générations…
Oui, je ne m’y attendais pas. Les Alsaciens sont contents qu’on ait un peu « dépoussiéré », je n’aime pas ce mot, parce qu’ils sont attachés à ces histoires et légendes. Je les ai interprétées différemment.
Votre détournement préféré, ce sont les bretzels devenus Herzel, racontez-nous.
J’ai une fascination pour la ou le bretzel, on ne sait pas trop, un gâteau d’une forme très simple et en la maniant graphiquement, j’ai réussi à trouver d’autres symboles dont le Herzel. Avec trois bretzels, on peut faire un signe, un motif. Ce qui me plaît c’est que vous pouvez le tourner, à un moment vous ne savez plus si ce sont des bretzels ou des cœurs, le bretzel amène le cœur dans un mouvement infini. Je suis plutôt porteur d’un message d’amour, osons le dire !
C’est très positif, c’est ce que vous voulez faire passer !
Oui, bon, je ne m’interdis pas les coups de gueule. Comme la revanche du grand hamster d’Alsace, c’est mon sens écologique qui est souvent égratigné avec des projets qui grignotent sur la nature. J’étais pas franchement pro-GCO, donc j’en ai fait un genre de Godzilla. Je ne me limite à rien, HoplaGraph! c’est un terrain d’expérimentation, j’aime raconter des histoires, je suis facteur d’images et conteur à ma manière, parfois militante.
Comment travaillez-vous ?
Je cherche la simplification extrême des formes, je ne suis pas un illustrateur, mais je prends mon crayon pour chaque idée. J’ai le souci de vouloir faire des choses identifiables, et après je travaille tout sur palette graphique. C’est un long parcours, un travail sur l’identité visuelle, la synthèse, le sens de la composition, ma passion pour l’art, les couleurs vives, j’ai la chance de savoir les marier et d’apprécier cette énergie-là.
Mais qu’est-ce qui vous inspire, la BD, le cinéma, le rock ?
Un peu de tout ça, je fais moi-même de la musique, de l’harmonica blues. J’ai joué dans les années 80 sur Strasbourg, et j’ai eu une inspiration entre les Spaetzelers et les Beatles ! J’ai éclaté de rire devant mes propres élucubrations, ma femme m’a dit « T’as rien d’autre à faire ? Tu dessines l’informe ! » Justement, creuser l’informe c’est ce qui m’intéresse et ça a donné les Spaetzelers ! On est parti de l’affiche, et on a peut-être un espoir de concert avec des amis, mais je n’en dis pas trop…
C’est vous qui avez récemment dessiné le logo Alsace, capitale de la gastronomie européenne. Votre travail n’est pas qu’à but artistique, vous honorez également des commandes ?
J’aimerais en avoir plus, réfléchir conceptuellement avec la patte HoplaGraph!, j’ai besoin de travailler ! J’ai fait une jolie collection d’étiquettes pour une micro-brasserie qui s’est arrêtée. Et j’ai eu la chance d’exposer au Centre culturel alsacien, où j’ai été repéré par la CeA. Pour Noël, j’ai exposé à Kehl, un premier essai relativement concluant, puisque les Allemands s’y retrouvent. Mes affiches s’exportent jusqu’en Australie, ou à New York ! Je fais un travail sur les villes aussi, qui donnera peut-être un livre un jour, comme Colmar. En tant que graphiste, c’était simple de mettre une bretzel au sommet de la statue de la Liberté, ce sont les valeurs que je défends, donc redonnons à Colmar ce qui lui appartient !
Pour résumer, vous, c’est l’Alsace pop culture ?
La pop culture, j’ai commencé à en parler quand des gens m’ont renvoyé cette notion, je savais que j’étais dans cet esprit, ce travail de détournement. J’aime bien ce côté pop pour populaire. On parlait peut-être de folklore dans les années 70, mais avec le temps, j’ai l’impression que le folklore est dépoussiéré en Alsace pop culture, et c’est comme ça que je me présente.