mardi 11 mars 2025
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Alsace – Covid, cinq ans après, des souvenirs et des leçons de vie

Le 15 mars 2020, nous vivons la première vague de Covid-19, forçant la fermeture de nombreux lieux de vie et bouleversant notre quotidien. Cinq ans après, que reste-t-il de cette période inédite ? Les réponses de protagonistes d’Alsace, des initiatives parmi des centaines d’autres qui ont marqué l’histoire de la région et que nous n’oublierons jamais.

Région fortement touchée dès les premières semaines, l’Alsace a été au cœur de la tempête sanitaire. Les hôpitaux, débordés, ont dû faire face à une crise sans précédent. Morgane Forgeot, infirmière diplômée d’État à l’hôpital de Haguenau, se souvient avec effroi : « J’ai été réquisitionnée à la Clinique de l’Orangerie de Strasbourg, où une réa a été déployée spécialement pour le covid. Les deux premières semaines, j’étais paniquée d’accueillir cette pathologie inconnue de tous ! ». Comme de nombreux soignants, Morgane a vécu la pénurie de matériel, les gardes de douze heures sous pression et la détresse des proches isolés. « Lorsqu’on perdait un patient, il fallait le mettre dans deux housses puis c’était le cercueil direct. J’ai une pensée émue pour toutes ces personnes qui n’ont pas pu faire le deuil correctement ». De ce désarroi ressortira un renforcement des services de santé mentale, sous l’impulsion de l’OMS, et une entraide des soignants, applaudis tous les soirs à 20h. « À l’hôpital de Haguenau, comme partout en Alsace, il y a eu un vrai élan de solidarité… »

Une mobilisation exemplaire

Parmi ces grands généreux, Steve Risch. Dès le début de la pandémie, le PDG de Fortwenger fait don de tout son stock de masques, blouses et charlottes à l’hôpital Louis-Pasteur de Colmar et à l’EHPAD Marcel-Krieg de Barr. « Quand je suis arrivé avec tout ce matériel, j’ai vu une forme de délivrance. Ça valait de l’or ! » En rentrant chez lui, il partage son initiative sur Facebook, devenant le premier chef d’entreprise de la région (et de France ?) à prendre la parole. Il reçoit alors des centaines de SOS d’autres soignants, et embarque des entreprises agro-alimentaires pour trouver une solution à chacun. Il va même jusqu’à créer 60 tonnes de gel hydroalcoolique à partir de glycérine Fortwenger et d’alcool neutre de la Distillerie Meyer. Mais ce que Steve Risch n’attendait pas, c’est que la solidarité lui soit rendue. Lors du deuxième confinement, les Alsaciens se mobilisent massivement en achetant leurs cadeaux de Noël chez Fortwenger. « De pouvoir apporter, chacun à son niveau, c’est tellement important. C’est ce que je dis à mes garçons : « Faites-le de manière entière et sincère, et peut-être qu’un jour, la vie vous le rendra.» Moi, cinq ans après, je n’ai jamais été aussi heureux, épanoui et libéré dans mon rôle d’entrepreneur », confie cet éternel philanthrope, qui s’est vu remettre les insignes de chevalier de l’Ordre national du Mérite par Brigitte Klinkert.

« Nos aïeux se sont tellement battus pour que nous vivions en paix, avec les frontières ouvertes. J’espère qu’on n’en fermera plus aucune à l’approche d’une nouvelle pandémie », Brigitte Klinkert. / ©eric genetet
Une collaboration transfrontalière vitale

Questeure de l’Assemblée nationale et députée du Haut-Rhin, Brigitte Klinkert justement se souvient avec émotion des prémices du Covid-19 : « Paris n’avait pas encore compris qu’un tsunami allait déferler sur nous. Je me rappelle de ce coup de fil à Laurent Touvet, Préfet du Haut-Rhin. Je lui ai dit « je me sens seule ». Il m’a répondu « moi aussi » ». Son agenda vidé, elle agit sans tarder avec un seul objectif : sauver des vies. Alors présidente du Conseil départemental du Haut-Rhin, elle installe un drive au sous-sol du bâtiment pour distribuer du matériel sanitaire aux soignants, et sourit en se rappelant qu’un gel hydroalcoolique provenant du Conseil départemental du Gers sentait bon l’armagnac ! Touchée par toutes ces personnes qui mouraient dans la solitude, elle décide d’expérimenter, dans dix EHPAD du département, des tests sérologiques qui auraient pu rompre l’isolement si la Haute Autorité de Santé n’avait pas mis son veto…

En juillet 2020, Brigitte Klinkert est nommée au gouvernement et porte, avec Elisabeth Borne, le projet Un Jeune, Une Solution. « Avec du recul, je suis fière de dire que nous avons trouvé une solution pour les 800 000 jeunes qui arrivaient sur le marché du travail. ».

Alors que l’activité économique s’arrête brutalement, Steve Risch, PDG de Fortwenger, décide d’agir / ©dr

Dans l’adversité, la maman de la CeA retiendra la coopération entre pays voisins pour gérer une crise qui ne connaissait finalement pas de frontières. « Le 20 mars 2020, j’ai sollicité les cantons suisses et allemands qui ont mis à disposition des lits pour des patients en réanimation. Par la suite, certains m’ont dit que je leur avais sauvé la vie… J’en ai encore la chair de poule ! Malheureusement, le virus a parfois été plus fort. J’ai une pensée pour Jean-Marie Zoellé, ancien maire de Saint-Louis, décédé à Bonn. » Une épreuve difficile, épuisante mais riche humainement. « Durant ces longues semaines, ma devise était « aide et le ciel t’aidera ». J’ai remarqué à quel point, face à une épidémie, il fallait savoir faire preuve d’initiative et d’imagination pour trouver des solutions. Mais je retiens aussi l’immense élan de générosité ! Le covid a renforcé ma résilience envers notre pays et souligné notre capacité à faire face, tous ensemble, aux épreuves les plus difficiles. »

Un ancrage local affirmé

Nicolas Stamm-Corby a lui aussi vu sa vie bouleversée. Après avoir contracté le covid dès les premiers jours du confinement, le chef de La Fourchette des ducs à Obernai a vécu plusieurs chocs émotionnels, notamment la perte de celui qui lui a donné le goût de l’apprentissage : Bernard Stalter, président de la CMA, emporté par le coronavirus. Pour éviter que la grisaille s’installe, le chef entame une profonde remise en question sur sa manière de faire la cuisine. « Le confinement a été le point d’orgue : maintenant, on va faire du terroir alsacien deux étoiles ! ».

Pour fêter les 100 ans de sa bâtisse, le chef Nicolas Stamm-Corby enterre un Guide Michelin 2020. / ©Dr

Puis, lors des travaux de la terrasse, il enfouit quelques trésors sous terre, parmi lesquels un guide Michelin 2020. Était-ce au goût de Gwendal Poullennec, invité au direct de France 3 depuis La Fourchette des ducs, premier étoilé de France à rouvrir ses portes en mai 2021 ? Allez savoir… Toujours est-il qu’après la tempête covid, Nicolas Stamm-Corby et son complice Serge Schall ont fait rayonner des décisions collectives, dont la fermeture de l’établissement entre Noël et Nouvel An. « C’était une volonté de nos collaborateurs, qui sont tous restés fidèles au poste. Je salue volontiers les efforts d’Emmanuel Macron qui a contribué au maintien des salaires. Je pense qu’il a sauvé quelques entreprises sur le déclin. » Le participatif, c’est assurément la recette du succès de la Fourchette des ducs, qui fêtera prochainement les 20 ans de ses deux étoiles. Un bel écho à la devise du Michelin, prônant que « les plus belles performances sont celles qui durent ».
Cinq ans après, la pandémie a laissé des traces, mais aussi des enseignements. Le révélateur d’une nécessité de vivre autrement.

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