Taille de guêpe, aux yeux noisette, avec une belle crinière blonde, Édith est une créatrice de l’art de la table, connue et reconnue par les grandes tables étoilées au-delà de nos frontières alsaciennes. Depuis 1836, ces aïeux sont tous des potiers de Betschdorf, les Schmitter von Bètsch-Derfel ! À vos Zapettes ! S’Fàng’t An !! SILENCE ÇA TOURNE !!
Ranrupt = Roggensbach en alsacien et en welche
Ranrupt est située entre le Climont, l’incontournable mamelon bombé, et le col de la Charbonnière. C’est une minuscule commune, tout en longueur, baignée de paysages bucoliques. Des prairies humides, naturelles, à perte de vue, parsemées de bouquets d’arbres, de feuillus. Tiens ! Sans feuilles ! Normal, Muller le Maxi-trotteur, les arbres sont en dormance. Dès les mois de janvier et février, les arbres besognent, contrairement à leur apparence ; l’arbre comme les résineux se met en veille durant la saison hivernale, pour batailler contre la froidure, le gel et pendant ce temps-là tout est calme, un silence étrange s’empare de la forêt.
Tous les chemins mènent à R.. ! À Ranrupt !
En partant de Strosbùrri, j’ai pris le tortillard jusqu’à Sànkt-Blàsje = Saint- Blaise-la -Roche, dans la vallée de la Bruche, à peine 1 heure de train, un ticket d’une 10’zaines d’euros, petit prix pour mon grand âge ! Arrivé à la gare de Blaise-Les-Trifouilly, j’ai décidé de marcher jusqu’à l’atelier de la sculpteuse de verre, mon lieu de rendez-vous. J’ai cheminé sur la départementale D424, d’un pas nonchalant, mes grosses chaussures de rando aux pieds, ma chapka rivée sur mes méninges, les grosses moufles tricotées par ma tendre maman étoile. J’ai respiré les bonnes senteurs de l’hiver, saupoudrées de flocons de neige, qui tombaient du ciel comme si notre Bon Dieu secouait ses oreillers, pour nettoyer les cieux. Il neigeotait des cristaux de silence, cette fine couche de neige rend les paysages encore plus féériques. Au lointain, j’ai entendu vrombir un moteur d’une vieille deux pattes toussoteuse. M’est venue une idée ! Si je faisais du stop ?
J’ai levé mon pouce emmitouflé, ce parapluie sur quatre roues s’est arrêté, tout en douceur ! Une charmante dame a ouvert sa vitre basculante, tout embuée !
-Gute Morije Madamelle, ich gehe zu d’Edith die Glasfrau !
-Mon bon Monsieur, je ne vous comprends pas, vous êtes dans le pays du patois welche, on ne comprend pas votre dialecte alsacien. Venez, je vous emmène, assoyez-vous et prenez mon petit chien Rosie sur vos genoux, on papotera pendant le trajet.
-Avec grand plaisir. Dites-moi, comment vous dites par exemple « Bonjour, comment ça va ? » En welche ?
-Ouvrez grand vos z’oreilles, M’ssieu l’aventurier « Don-Dey, Bondjo Mak-sa-vé »
-À ne rien comprendre ! Dans cette enclave alsacienne, il y a quatre fonds de vallées. Dans combien de communes on parle toujours votre patois welche ?
-Oh ! Il y a le Val d’Orbey, de Villé, de la Bruche et le secteur de Sainte-Marie-aux-Mines qui regroupe grosso modo, trente villages. 5% de la population parle fréquemment notre patois.
-Vous avez le caducée sur votre pare-brise, vous êtes infirmière à domicile ?
-On n’peut rien vous cacher !
-Déformation professionnelle chère Madame Schpritzzz’ (piqûre).
-Je sillonne, avec ma deudeuche, entre Fouday, Plaine, Saales et Ranrupt, mes patients m’appellent tous par mon prénom Welche Mayii = Marie. Bien on arrive, j’vous laisse devant la chapelle à l’entrée de Ranrupt, il vous reste dix minutes à trottiner et vous êtes chez la charmante Édith, faites-lui un moutzelle de Mayii.
-Merci, Madame Schpritzzz de m’avoir déposé.
Enfin, j’arrive dans ce hameau montagnard.
La 2CV a rebroussé chemin en pétaradant, le ciel était chargé de grisaille, un dégradé pastel, comme une œuvre de Camille Claus. Il neigeait toujours. J’ai découvert la chapelle champêtre, Notre Dame des Malades date de 1861, j’ai poussé la porte qui grinçait, le plafond de la chapelle a été entièrement conçu d’écorce de bois. D’un pas feutré, j’ai cheminé sur un tapis neigeux, vers ce typique village de montagne, j’ai aperçu des fermes massives qui jalonnaient la rue principale, et une ancienne usine de tissage au toit en dents de scie, typique des usines du XXe siècle.
C’est dans cette lumineuse usine complètement rénovée qu’Édith Ehret crée ses œuvres. Elle travaille le verre, la porcelaine pour un grand nombre de restaurateurs. Savez-vous comment les restaurateurs l’ont baptisée affectueusement ? « La couturière de l’argenterie et de la vaisselle ». J’ai poussé la grande porte d’entrée, j’étais ébloui, l’usine était d’une grande clarté, il y avait de la vaisselle partout, des couverts, des verres, tout l’art de la table. Même un piano à queue, un billard, un flipper, un restaurant et tout au fond de cette ancienne usine de textile Pico-Bello, étaient exposées là 4 motos de compétion. À côté de ses bolides se trouvait son immense atelier, où règne une bonne chaleur. Édith était installée comme une orfèvre derrière une pile d’assiettes en verre translucide.
-Hello ! André, comme ça fait plaisir de te revoir.
-Toujours la même, Édith, toouu ! Ne change pas. On se claque la bise ! c’est l’air de la campagne qui te donne cette bonne mine ?
-Moi je me sens bien à Ranrupt, et mon métier me donne tant de satisfaction, je réalise toutes mes pièces de verre concave, convexe, en jouant sur la transparence, la brillance et le relief.
-Tu as un énorme succès, Édith la perfection au féminin ?
-Non, jamais vers la perfection André, mais je cherche toujours l’excellence ! Tout ce que je touche, je veux réussir.
-Tu exposes tes motos sportives près de ton atelier…
-Ce n’est pas une expo, mon brave, ma passion c’est la moto de compétition. Je cours sur les circuits en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Tchéquie, en France.
Édith est programmée pour gagner. Grâce à sa taille de guêpe, engoncée dans sa tenue de cuir, elle s’envole sur tous les circuits européens. À fond les manettes, elle remporte de nombreuses courses même devant les motards aux gros bras, et empoche toujours des trophées en verre qu’elle expose dans son bureau. Sa deuxième passion, c’est la guitare, elle possède plusieurs guitares sèches, électriques, une basse à cinq cordes, une Fender-Clapton. Édith gratouille du Joan Baez, du Neil Young, elle est rock and roll notre Édith avec sa voix puissante.
-Tu n’es jamais fatiguée, Édith ?
-J’ai hérité cette énergie de mes parents, mon père potier et ma mère c’est une Schmitter ! Tu sais André, les Schmitter, les fondateurs de CroisiEurope, c’est ma famille.
-Tu viens d’ouvrir un p’tit resto, O’ Cœur des Délices, dans ce joli lieu, l’ancienne usine de tissage complètement modernisée.
-Avec ma fille Nathalie et notre chef de cuisine Alexis, nous faisons des plats alsaciens, des produits de qualité qui viennent du pays welche. Des gourmandises, des Kaffé Kuchen très appréciés par nos clients, certains s’installent au piano, d’autres font un billard, ou un flipper. Nos clients repartent toujours avec la banane, un sourire, l’ultime récompense pour moi, mon cher Maxi-trotteur.
-Bien chère Édith, je te remercie de ce bel accueil, je te souhaite une belle année 2025 avec toujours autant de projets. Ranrupt est vraiment un charmant endroit au pied des Vosges. -Grosser Schmoutz Mickele.
-Adjee André, komm gut heim, Drüsse schneeit’simmer noch
Bonne année à vous les Maxi-Läser’s, à très bientôt pour d’autres aventures dans un petit recoin de notre paradis alsacien.