C’est au bord du lac de Garde, en Italie, qu’Eric, le papa, décroche le téléphone. En fond, les bruits de la piste et des essais. On imagine Emilien passer à toute vitesse. Depuis quelques semaines, il a retrouvé le plaisir de piloter.
On rembobine. Champion du monde de karting à 17 ans, Emilien Denner pilotait pour la première fois une monoplace, une Formule 3 en Nouvelle Zélande fin 2019, début 2020. Dès sa deuxième course, il gagnait face à des habitués de la discipline. Son talent inné séduisent des investisseurs, prêts à le suivre jusqu’en F1, mais la crise sanitaire balaye tout. Pour ceux qui l’ignorent, un baquet de Formule ne s’obtient pas juste sur le talent. Il faut aussi allonger la monnaie. Six à dix millions. Pas facile quand on est une famille « normale ».
Le coup de fil qui change tout
Plus de volant, Emilien s’entretient physiquement chez lui, entre footings, renforcement musculaire et simulateur de conduite. Et puis Intrepid l’appelle. Mirko Sguerzorni, le patron, veut refaire de l’écurie un acteur majeur du kart, lui qui a lancé par le passé des Verstappen, Charles Leclerc, Alexander Albon et George Russell. Mais après des déboires financiers, il part de loin. Il veut Emilien pour développer sa machine. Le cœur parle. Malgré d’autres sollicitations, l’Alsacien dit oui.
Mi-avril, à Lonato Del Garda, après des mois sans compétition, et un kart en sous-performance, Emilien décroche un podium dans la catégorie reine. La grande force du gamin, c’est aussi l’analyse précise des données. Il fait part de son ressenti. « Emilien ne peut pas gagner seul », rappelle Eric Denner. « Sur chaque session, il leur disait : là il manque de motricité sur le virage trois par exemple. L’équipe a fait un travail de fou toute la semaine. » Et ça a payé. Avec une machine « encore en retard techniquement », Emilien emporte tout : les pôles positions, les manches, la course. Dingue.
Quand l’espoir renaît
En tribunes, le patron de McLaren-F1, Zak Brown, n’en rate pas une miette. Dans le même temps, la chaîne BeIn Sport diffuse un reportage de 15 minutes sur les mésaventures d’Emilien pour trouver des sponsors. « C’était important que les gens sachent qu’on se bat tous les jours pour amener Emilien en F1 », poursuit le papa. En F3, Emilien mettait toujours derrière lui Yuki Tsunoda, un Japonais qui, lui, a ramené de l’argent, et décroché un baquet chez Alfa Tauri, en F1.
Des contacts ont été noués. L’histoire commence à être connue, et elle intéresse des investisseurs, qui attendent de voir quels peuvent être les retours ou la visibilité qu’offrirait la carrière d’Emilien. Des rendez-vous sont prévus, à Paris, à Monaco. Des coups de pouce pourraient même venir de… NBA, pour lui, l’ancien basketteur en sport étude aux Missions Africaines de Haguenau. Mais après les différentes douches froides qu’a déjà connues la famille, Eric Denner ne s’enflamme pas. Malgré la reconnaissance du monde du sport mécanique – jusqu’au sein de la Scudderia Ferrari – le plus dur, pour Emilien, ce n’est pas de gratter des millièmes. Mais des millions.