Maxi Flash : Je trouve que ce livre est un peu le prolongement de Et encore je m’retiens. Dans votre spectacle qui a fait le tour de France il y a presque dix ans, vous proposiez d’essayer avec les femmes, car visiblement le monde construit par les hommes et le patriarcat ne fonctionne pas du tout. Rien n’a beaucoup changé. Le féminisme est toujours un combat !
Isabelle Alonso : Le féminisme c’est de la politique, ce n’est pas de la biologie, pas de la psychologie. Si une femme arrive à diriger un pays, encore faut-il qu’elle le fasse sur des bases féministes, sinon cela ne sert à rien. Des nanas qui jouent le jeu du patriarcat, il y en a plein. C’est assez logique, car dans tout système de domination, il y a des dominés qui se mettent du côté des dominants, ils ou elles se disent que globalement c’est mieux payé, mieux chauffé, moins emmerdant.
Pour faire référence à la phrase de Simone de Beauvoir, est-ce qu’un homme naît féministe ou est-ce qu’il le devient ?
Il le devient. Si un homme se laisse couler dans les structures spontanées de la société telle qu’elle fonctionne, il devient forcément un machiste. Il y a des machistes gentils, mais machistes quand même. Comme nous le devenons tous. Même les femmes ont des attitudes machistes, car elles sont conditionnées dès le départ. On peut toujours dire à un enfant que les hommes et les femmes sont égaux, mais que voit réellement un enfant ? Il voit des injonctions permanentes qui emprisonnent les filles dans quelque chose d’aliénant et les garçons dans le rôle du dominant, c’est plus confortable, mais c’est aussi un enfermement.
Alors, l’éducation est la seule voie ?
Oui. Jamais mes parents ne m’ont dit quelque chose comme : « Une fille, ça ne fait pas ça ». Si un enfant constate des trucs qui ne vont pas et qu’il peut s’exprimer, il cultivera son sens de l’observation et de la critique. Il y a beaucoup de choses à changer également à l’école et dans l’attitude des profs. J’ai beaucoup parlé avec des jeunes filles humiliées par leur prof de sport par exemple, c’est incroyable ce mépris absolu pour leur manque de performance.
Le patriarcat est responsable de tout ?
Le patriarcat, c’est la prédation. Comme le colonialisme. J’arrive, je me sers, je jette, je passe à autre chose. C’est le même processus. Beaucoup de mecs sont très conscients qu’ils en mettent plein la gueule aux nanas, mais ils ne voient pas où est le problème. Le sort des 7 milliards d’humains est entre les mains d’une poignée de brutes en plein concours de bites. C’est vrai que j’ai le sens de la synthèse.