L’aventure a commencé pendant l’été 2004 dans les Landes. Le Vosgien David Grandmaire est en vacances. C’est une belle journée ensoleillée du mois d’août. Gendarme dans la vie, mais passionné par la peinture et le dessin, il ne se sépare jamais de son petit carnet. Ce jour-là, sans trop savoir pourquoi, il dessine deux petits bonhommes. « Mon idée était de créer deux petits personnages, les plus simples possibles, en quelques coups de crayon. Avec l’envie de faire passer quelque chose de sympathique, un univers empreint de bonne humeur. J’ai éliminé les oreilles, les yeux et le nez au fur et à mesure, et je suis arrivé à cette forme très ronde, juste la tête et le sourire ». C’est ainsi que Petite Jeanne et Petit Joseph sont nés. L’autodidacte dessine d’autres personnages, les montre dans les expositions avec ses peintures à l’huile et se rend compte que ça « accroche » bien. Alors, il arrête la peinture et, sans imaginer de stratégie, pendant 5 ou 6 ans, il travaille ses dessins et les expose. Puis, il imagine un calendrier et quelques cartes postales. En 2010, il propose au potier de Kaysersberg d’illustrer une trentaine de pièces avec ses personnages. Lors d’une expo, il les vend toutes en une heure. « Là, je me suis dit quand même, il y a un truc à faire. Au bout de six ans, c’est vrai, je ne suis pas très rapide… ». Il essaye de proposer ses créations à des industriels, mais personne n’est intéressé, alors, en 2011, il crée sa société pour éditer et diffuser Jeannala et Seppala qui sont aujourd’hui disponibles dans 140 points de vente, et dans son magasin de Shopping Promenade à Vendenheim.
Tout lui sourit
« Je prends un soin particulier à sélectionner les objets, on fait un gros travail là-dessus. C’est qualitatif. Moyen ou haut de gamme, on sait ce que l’on achète », indique le dessinateur. Pour se faire plaisir ou faire plaisir, il y a des chaussettes, des tee-shirts, de la vaisselle, des lampes, des confitures de chez Sophie Weynmann à Chatenois, des nappes, une grosse partie textile, des verres, mais l’association dont il est particulièrement fier est celle avec la poterie de Soufflenheim. « La famille Beck nous a suivis immédiatement. On est devenu très important dans leur production, on vend vraiment beaucoup des pièces dans leur catalogue. »
David Grandmaire est un chef d’entreprise très organisé, il sait où il va, à son rythme. Il fait éditer les produits, les commande en quantité suffisante. Ses commerciaux sont chargés de les vendre aux points de vente : « On a passé beaucoup de temps à créer notre réseau de revendeurs, ce sont des gens qui nous font confiance : une boutique de déco à Haguenau, un tabac presse à Drulingen, de belles boutiques, des magasins, des offices de tourisme, des hôtels, et au magasin de Shopping Promenade. On ne pensait même pas accéder à cet endroit, avec toutes ses grandes marques à côté de nous. On a déposé un dossier et ça a marché. On est très content d’être ici ». Et c’est normal Jeannala et Seppala, c’est la joie incarnée. Ce visage sans nez, sans yeux, est néanmoins (ah ah) très expressif : « Le sourire suffit. Il y a des gens qui ne s’aperçoivent pas qu’il n’y a pas de visage ». Et c’est la grande réussite de David Grandmaire, ce sourire communicatif, mais aussi cette alliance entre les traditions alsaciennes et la modernité de son trait, car ses visuels n’ont rien de poussiéreux : « On met en avant le côté très positif et très dynamique de la région. Effectivement les gens s’approprient Jeannala et Seppala. Dans la boutique, je les entends parfois dire que c’est le symbole de l’Alsace et c’est vrai que l’on me demande de plus en plus l’autorisation de les utiliser pour représenter l’Alsace sur des manifestations. Il y a des projets en cours », dit-il.
Finie la vie de gendarme
Aujourd’hui David Grandmaire n’est plus gendarme, il a arrêté à l’âge de 44 ans pour développer sa société et tout se fait tranquillement. De janvier à mars, il dessine, il crée de nouveaux personnages, un nouveau calendrier avec 12 nouvelles pages et 12 nouveaux dessins, et il gère tout cela le reste de l’année. Même s’il a bien aimé son métier, huit ans plus tard, sa vie n’a plus rien à voir : « Je suis déjà très heureux d’avoir créé des emplois dans un univers créatif. À chaque fois que je sors un objet, je consulte les filles du magasin et les commerciaux, on discute, on s’amuse comme ça. Bien sûr, il y a les contraintes économiques comme pour toutes les entreprises, mais je touche du bois, pour l’instant ça va, on développe à notre rythme, on ne cède pas à n’importe quelle mode, on fait notre chemin ».
Et puis, qui d’autre peut s’enorgueillir d’une telle réussite dans le Bas-Rhin avec des noms de personnages à consonance haut-rhinoise ? Bel exploit, non ? De cela aussi David Grandmaire s’amuse : « Des Bas-Rhinois m’ont dit que l’enseigne n’allait pas, qu’il y avait trop de A, et ça les a fait rire. C’est le principal ».