Comment êtes-vous devenue nonne ?
En m’installant ici, je ne pensais pas le devenir, c’est un lieu qui est également ouvert aux laïques, mais j’avais lu pas mal de livres et j’avais fait une retraite spirituelle dans un autre monastère. J’étais sûre que c’était la voie à suivre. À cet âge-là, et c’est toujours le cas, je n’aimais pas faire les choses à moitié, donc j’ai foncé.
Le bouddhisme n’est pas une religion, même s’il s’en approche, avec une organisation monastique par exemple. À notre époque, la religion, qui doit normalement faire partie de l’intime selon moi, est toujours au centre des débats, qu’en pensez-vous ? Et comment vous sentez-vous par rapport à tout ça ?
Il me semble que c’est plus intéressant de parler de spiritualité, de contempler la beauté du monde, de se réjouir des petites choses, de retrouver le lien avec la nature. J’ai envie de parler de cela, pas tellement des emportements médiatiques sur les faits religieux. La sagesse est de rester en dehors. D’être informé, mais de ne pas intervenir. Et de garder le cœur ouvert.
Et pour cela, il faut bien maîtriser ses émotions ?
Oui, c’est très important, nous sommes nous-mêmes notre outil de pratique. Les émotions c’est ce qui nous fait agir. À travers la pratique bouddhiste, on apprend à connaître suffisamment ses émotions pour ne pas en être prisonnier, et pour retrouver la liberté d’agir.
Quels sont les outils pour mieux se connaître et comprendre le fonctionnement de nos émotions ?
S’asseoir en silence et ne rien faire. Voilà, c’est révolutionnaire… parce que c’est gratuit. On peut le faire partout, pas besoin d’avoir une posture particulière. Se contraindre à rester cinq minutes sans rien faire, c’est un autre rapport au son, à l’espace, au corps. C’est un premier pas.
En fait, aujourd’hui on ne sait plus « ne rien faire » ?
Oui, c’est bien là le problème. Le philosophe Pascal disait quelque chose comme : « Tout le malheur de l’homme est qu’il ne parvient pas à rester tranquille dans sa chambre ». Nous vivons dans cette société de consommation et de distraction comme s’il fallait toujours nourrir l’Être humain pour qu’il échappe à l’inconfort émotionnel. La pratique spirituelle, c’est connaître cet inconfort pour pouvoir s’en libérer, au lieu de toujours fuir. On appelle ça la voie du guerrier, car il faut être assez courageux pour oser s’arrêter.
Rester debout au coin d’une rue, n’attendre personne, il faut être courageux pour cela ?
Oui, cela s’apprend. Et c’est bien de le faire avec les autres. Dans le bouddhisme, on apprend à vivre en collectivité.
Vous liez le silence à la connaissance de soi,
pourquoi ?
Dans le silence on peut accéder à une conscience très vaste, avant les mots. Cet espace est immense, complètement ouvert. À partir de cet espace, on commence à comprendre notre lien avec l’ensemble. On est connecté avec le monde, avec l’univers. Et c’est beaucoup plus simple de l’appréhender au cœur du silence.
Vous êtes également Hypnothérapeute !
J’ai découvert l’hypnose il y a une dizaine d’années. Ce qui m’intéresse, c’est le fonctionnement du cerveau. La découverte de la conscience est un point crucial. À travers la lecture, j’ai commencé à m’intéresser à l’hypnose, car ça travaille sur le conscient et l’inconscient, etc. J’ai fait des études d’hypnose, c’est assez formidable, et maintenant je propose des ateliers.
En 2020, vous avez créé une ferme pédagogique et un refuge pour animaux qui est aussi un centre de retraite, pourquoi ?
Ce qui m’a animé pour créer ce lieu est l’état de la planète, l’état du monde qui me préoccupe. Plutôt que de rester les bras ballants à attendre les catastrophes, il faut agir. C’est mon message : agir, prendre sa part, apporter une idée, une initiative utile au monde.
Pourquoi avez-vous le crâne
rasé ?
Cela fait partie des vœux de l’ordination de nonne. Cela symbolise le fait de repartir à zéro et de lâcher de plus en plus les attachements, d’aller vers une vie de plus en plus simple. C’est assez enthousiasmant, ce n’est pas du tout austère, se raser la tête toutes les semaines est plutôt un plaisir.