La précocité n’est pas une maladie, c’est plutôt symptomatique. Tous les hommes sont, à un moment ou un autre dans leur vie, où ont été, précoces. Avant d’aborder la question avec la sexologue Nadia Marriott, voici quelques chiffres du sondage de l’IFOP.
71% des Français ont été confrontés à ce trouble et reconnaissent avoir éjaculé trop rapidement lors d’un coït au cours des douze derniers mois. 80% des hommes ne sont pas parvenus à se retenir de jouir avant leur partenaire. Près d’un tiers des hommes (31%) admettent avoir éjaculé avant de pénétrer leur partenaire, une majorité (59%) au moment de la pénétration ou peu après. Nous reviendrons sur ce point dans l’entretien avec Nadia Marriott.
On en parle dans le couple ?
C’est l’une des bases pour régler le problème, mais seulement un tiers des hommes ayant déjà rencontré des problèmes d’éjaculation précoce en ont parlé à leur partenaire, 6% ont consulté un spécialiste. On peut même constater une sorte de déni, la quasi-totalité des hommes (90%) souhaite des rapports sexuels plus longs, alors qu’ils auraient tendance à surévaluer leurs durées (26 min disent-ils, 22 min disent les femmes).
Une cause de rupture ?
30% des femmes ayant connu un éjaculateur précoce déclarent avoir mis fin à la relation pour cette raison, alors que seuls 15% des hommes ayant eu ce type de problèmes estiment qu’une de leurs partenaires a rompu à cause de cela. La majorité des femmes semblent attentives et compréhensives au problème d’éjaculation précoce lorsque l’échange de jouissance est partagé.
La durée des rapports
28% estiment qu’il y a éjaculation précoce entre 2 à 4 minutes après la pénétration. 72% des hommes pensent qu’une durée inférieure à 10 minutes entre le moment de la pénétration et l’éjaculation est un rapport précoce. Pour les femmes un rapport sexuel avec pénétration de 7 à 13 minutes est idéal, en dessous, elles le qualifient de pas assez long, au-dessus elles s’ennuient.
Entretien avec avec Nadia Marriott, sexologue.
Sexologue diplômée de Paris 7, formatrice, infirmière, Nadia Marriott exerce les thérapies cognitives et comportementales depuis 2001 en Alsace, avec une approche innovante.
Que vous inspire la lecture des chiffres de ce sondage ?
Si l’on regarde la chose d’un point de vue naturaliste, avoir un rapport sexuel dans la nature, c’est dangereux, le but n’est pas le plaisir, mais la reproduction. Pour des raisons de survie, tous les animaux sont précoces. On ne peut pas parler de l’Homme sans considérer sa nature. Nous avons deux natures de sexualité, une sexualité reproductive et une sexualité du plaisir. Et c’est là qu’intervient le rapport au temps.
On peut parler de dysfonctionnement ?
Il faut faire la distinction entre deux natures de précocité, la précocité dite primaire et celle dite secondaire. La précocité primaire, c’est un homme qui sera toujours précoce, il s’agit même d’ante portas, là, peu importe la relation, la déficience s’explique par le manque de maîtrise des émotions. Le ressenti est essentiellement sur l’autorisation d’être sexuellement actif. En ce qui concerne la précocité secondaire, je crois que les hommes ont tous été précoces, à un moment ou un autre, lors de la première fois, quand on est très excité notamment, on peut avoir un premier loupé. Il y a des hommes qui peuvent très bien être précoces avec une femme et ne pas l’être avec une autre. En fait, l’éjaculation précoce, c’est dans la tête.
Il existe des solutions pour régler le problème ?
Les approches comportementales fonctionnent, mais dans ce cas, on apporte des solutions techniques qui privent le corps d’un symptôme et le psychisme d’une expression symbolique, le risque est de créer un autre symptôme, on peut même imaginer que le symptôme glisse sur la génération d’après. Alors, en parallèle des exercices à réaliser pour avoir une meilleure connaissance de soi, de son excitation, j’accompagne toujours mes patients avec un travail plus ou moins approfondi en fonction des personnes, de leur capacité et leurs moyens, un travail de compréhension de leur sexuel. Que représente le sexuel pour eux ? Au départ, en principe, il y a un père et une mère, il y a les relations avec la mère, avec le père, les relations des parents entre eux, tout cela va donner des indications à l’enfant sur ce qui est bien ou sur ce qui n’est pas bien, sur ce qui est autorisé ou non. Pour un homme, devenir sexuellement actif c’est prendre la place du père, et symboliquement il faut avoir dégommé le père pour être sexuellement actif. Certains analystes assimilent l’éjaculation précoce à une fuite urinaire, d’une certaine manière, je me fais pipi dessus parce que j’ai peur de prendre la place de mon père. En général, avec des exercices précis, on arrive à avoir de très bons résultats en quatre à cinq séances. Quand les troubles résistent, il faut plutôt aller chercher du côté de la psychanalyse, et comprendre pourquoi un homme n’a pas l’autorisation de prendre sa place d’homme sexuellement actif.
Vous avez mis le doigt sur la cause principale de l’éjaculation précoce ?
Très souvent, pour expliquer la précocité, on va chercher la problématique du côté du père, oui, mais il faut donner aux enfants les bonnes réponses quand il commence à se poser des questions sur l’identité sexuelle et la sexualité aux alentours de trois ou quatre ans, par exemple : Comment fait-on les bébés ? Qui porte le pénis ? Qui fait quoi ?
La précocité peut-elle se résoudre d’elle-même ?
Oui, les hommes peuvent gagner en confiance et ne pas avoir besoin d’un sexologue.
Une précocité non traitée peut dégénérer ?
Oui, elle peut dégénérer en impuissance et même une dépression. Pour que la libido fonctionne, il faut que Narcisse soit suffisamment costaud. Si Narcisse est en pièces parce qu’il s’est pris des remontrances de la part de plusieurs partenaires, qu’il a été humilié, un homme prendra moins le risque de se retrouver en situation difficile. Ce qui m’interpelle c’est que les précoces sont des gens qui, le plus souvent, mangent vite, parlent vite, qui entrent vite dans des relations, qui vont très vite avoir envie de l’autre en négligeant les préliminaires.
Il existe un lien avec la violence physique subie pendant l’enfance ?
Ce qu’il faut savoir également c’est que dans quatre cas sur cinq de précocité, il y a eu de la violence au niveau de la zone fessière. Cela s’explique : le gamin fait une bêtise, il prend un coup de pied aux fesses, le mécanisme réflexe est de serrer les fesses. Si plus tard, quand il couche avec sa copine, il a le sentiment de faire une bêtise, il va contracter le muscle pubo coccygien, et donc éjaculer plus vite.
Qu’est-ce qu’un rapport sexuel idéal ?
Je crois qu’il y a plusieurs façons de faire l’amour, le désir ne répond pas toujours à un protocole ou à une méthode, parfois « un petit coup » rapide ça fait plaisir, parfois on se fait plaisir, on peut se réserver un joli week-end, on prend son temps, les préliminaires peuvent durer très longtemps. Très souvent, quand les hommes ont réglé le problème de la précocité, ils se rendent bien compte qu’il y a un bénéfice à travailler sur son histoire personnelle, à faire de l’introspection, et ils souhaitent rester encore quelques séances, ce qui leur permet de reprendre une vraie place dans le couple.
Même si les chiffres de ce sondage sont de l’ordre de la sociologie, pouvez-vous commenter celui-ci : 80 % des hommes ne sont pas parvenus à se retenir de jouir avant leur partenaire.
Pour moi, c’est même 100 %.