Il y a un an, après les accusations portées contre le producteur américain Harvey Weinstein, le #BalanceTonPorc et #MeToo (« moi aussi ») sont nés sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’agression sexuelle et le harcèlement, plus particulièrement dans le milieu professionnel.
Ce mouvement sans précédent a encouragé les femmes à partager leurs expériences et marqué un tournant dans notre société. Certains qualifient cette action de coup d’épée dans l’eau, d’autres de très belle aventure de femmes, en France 66% des hommes pensent que les hashtags « Balance ton porc » ou « Me too » ont été une bonne chose. Un an plus tard, Maxi Flash a interrogé des femmes bien connues en Alsace du Nord. Certaines n’ont pas souhaité répondre, ce que nous respectons profondément. À celles qui ont décidé de s’exprimer, nous avons posé trois questions :
01 : Un an après Me too, que vous inspire ce mouvement ?
02 : Comment l’avez-vous vécu ?
03 : Avez-vous eu envie de faire comme ces femmes, l’avez-vous fait ?
Voici quelques extraits de leurs réponses.
Propos recueillis par Eric Genetet
Betty Moutama, Chroniqueuse télé et Coach
C’est un combat qui se joue depuis la nuit des temps. Sauf qu’aujourd’hui, avec tous les différents supports de communication, ça donne juste l’impression d’être entendu. Mais finalement, qu’est-ce qui a changé dans la vraie vie ?
Vous pensez sincèrement qu’en menant une simple campagne de sensibilisation sur le sujet, qu’avec de nouvelles lois, les comportements de la gent masculine vont changer ? Leurs comportements sont à l’image de cette société qui banalise, vulgarise et dénude le corps des femmes. Pour moi, tout se passe dans l’inconscient collectif.
Beaucoup de souvenirs sont remontés à la surface. Depuis mes 16 ans, j’ai toujours évolué dans un univers essentiellement masculin. Je voudrais que l’on garde à l’esprit que la femme n’est pas qu’une victime ! Combien d’entre elles usent de leur charme pour obtenir ce qu’elles veulent et crient au loup ensuite ? Sous prétexte de la liberté individuelle, on voit tout et n’importe quoi, où sont passées les valeurs et la moralité ? Envie de faire comme elle ? Oui, et je les trouve d’ailleurs extrêmement courageuses. Cette action participe à éveiller les consciences et à mettre en place de nouveaux paradigmes.
Mais non, je ne l’ai pas fait, en tout cas pas sous cette forme. En ce qui me concerne, souvent ces hommes avaient une famille, ce qui veut dire des enfants. Entacher l’image d’un père auprès de ces enfants-là, je trouve ça lourd à porter. Je mène des actions différentes, mais qui contribue à faire avancer le sujet.
Simone Morgenthaler, Écrivaine et animatrice radio
Ce mouvement était salutaire, que la parole se libère, que tant de douleurs et d’humiliations infligées puissent s’exprimer. Dire qu’il a fallu si longtemps ! Que l’on m’indique une raison valable qui permette à l’homme de se sentir supérieur à la femme, de s’arroger le droit de poser sur elle des regards, des mots, des gestes, des faits glauques et répréhensibles ! Le plus attristant, c’est le harcèlement pratiqué par l’homme sur des personnes qui postulent pour un travail, donc fragilisées. Il reste un gros travail à mener. En France, tous les trois jours, une femme est tuée par son compagnon ou par son ex.
130 000 filles mineures subissent des viols ou des tentatives de viol chaque année en France. 600 000 femmes par an (qui osent le dire) sont victimes de violence conjugale. Mais combien se taisent, combien ont peur ou honte de le dire ? Car, le plus injuste, c’est que ce n’est pas le bourreau qui a honte, mais la victime.
J’avais quinze ans en mai 1968. J’ai vécu la libération de la femme. Je suis reconnaissante à ces femmes courageuses qui eurent à affronter la horde de mâles rugissants. Simone de Beauvoir a changé la vision des femmes, leur a donné une prise de conscience avec son livre « Le deuxième sexe». J’ai lu avec passion des auteures qui ont ouvert la voie comme Benoite Groult, Christiane Rochefort et bien d’autres. Il faut continuer le labeur, labourer le sillon tracé, toujours et encore, sans perdre espérance. Et rappeler aux parents que leurs enfants sont le miroir de leur transmission.
Virginie Schaeffer, Chanteuse
J‘étais très heureuse pour ces femmes. Enfin, elles peuvent revivre et dénoncer leur agresseur, si cela leur permet d’avancer dans la vie… de tourner une page. Dans ma carrière, j’ai eu la chance de n’avoir jamais subi ce genre de propos ou de gestes déplacés. Dieu merci. Cela dit, si un homme me fait un compliment, je ne le prends pas comme une agression ou une idée mal placée. Juste comme un compliment. Point. Sans arrière-pensée. Si lui en a, c’est son problème. J’aime les gentlemen et les hommes galants. Si je m’étais retrouvée dans cette situation oui, j’aurais parlé, libéré mon coeur.
Renée Hallez, Écrivaine
Ce mouvement m’a surprise par sa violence, ses exagérations, ses généralisations. Il me surprend à présent par ses silences. Le volcan médiatique s’est rendormi. Existe-t-il des procédures judiciaires en cours ? Les investigations éventuelles montrent-elles effectivement et sans aucun doute que tous les hommes jetés en pâture à la vindicte populaire étaient coupables ? Il était nécessaire de mettre fin à des situations de souffrance, d’apprendre à certains hommes et même à de nombreuses femmes à mettre un nom sur des comportements inadmissibles, mais le mouvement a pris des allures de volcan, crachant invectives, dénonciations, lynchages, dans tous les sens, sur toutes les ondes, dans tous les médias (ou presque). Les rapports entre hommes et femmes ne sont pas toujours faciles. Mais le tsunami Me too, tel qu’il a été mis en oeuvre, n’a rien arrangé.
J’ai réglé par la psychanalyse et parfois des baffes, les problèmes d’ordre privé. Et je suis obligée de reconnaître que je n’ai jamais eu de problèmes sérieux sur le plan professionnel. Les rares hommes qui ont commencé à prononcer des mots que je n’appréciais pas ou ébauché des gestes qui me déplaisaient ont été rapidement mis au pas.
Huguette Dreikaus, Artiste
Avant, les femmes faisaient comme le chien de Tex Avery : elles criaient dans des boîtes de conserve qu’elles fermaient hermétiquement pour ne déranger personne avec leurs cris ! les femmes se taisaient parce que c’est toujours la victime qui se sent coupable, et puis on leur disait invariablement « y avait qu’à pas » ! Maintenant les femmes osent dénoncer ! Elles osent raconter. Depuis, on a une autre façon de les écouter, avec plus de respect ! Avoir en face de soi une oreille attentive, ça aide. Hélas les journaux « people » en font leur fonds de commerce et cet étalage devient la pâtée de gens qui se nourrissent avec perversité de ce genre de news. Cela cause des dommages collatéraux irréversibles aux proches (mères, épouses, enfants), des mecs mis en accusation publique et attachés ainsi en famille au pilori ! Mon expérience dans le domaine du harcèlement sexuel est réelle, mais aucun événement si pénible qu’il ait été n’est allé jusqu’au pire. Il y a des hommes qui savent encore réagir à temps devant le mot «non» !
Christelle Sturtz-Froehlicher, Ex-athlète de haut niveau en karaté et coach
J’ai tenu à cette occasion à rappeler mon soutien aux victimes sans pour autant être trop « revendicative ». Ces mouvements ne doivent pas aboutir à « diviser » les hommes et les femmes, mais surtout à pointer du doigt les « salopards » qui abusent de leur pouvoir et de leur notoriété sur les femmes. Grâce à #metoo, les langues se sont déliées et des secrets enfouis depuis des décennies ont éclaté sur la place publique. Le mouvement #Metoo aura permis de saluer le courage de ces femmes, mais au-delà de la dénonciation, c’est un lourd fardeau à déposer avec un processus éprouvant pour retrouver dignité et confiance en soi. Certaines entreprises ont même mis en place des cours de sensibilisation au harcèlement psychologique et sexuel. Les femmes sont de plus en plus entendues, indépendantes et s’affirment en se battant pour des causes, mais le chemin est encore long pour trouver toutes les légitimités souhaitées. Je reste persuadée que c’est dans le soutien et le collectif que la femme sera respectée. Et non dans la domination. Ce scandale a clairement servi de détonateur et aura permis à de nombreuses victimes d’accuser publiquement des hommes de pouvoir.