lundi 16 juin 2025
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Paso – La vie d’un seul trait

Né en 1935 à Drusenheim, un dimanche aux cloches de midi, Paul Klein alias le peintre Paso se définit comme rhénan, dans l’âme et le cœur. Après une enfance heureuse au village, dehors avec ses copains, il vit l’évacuation à Saint-Léonard en 1932. De son premier dessin crayonné à 4 ans à la donation de 700 œuvres à sa ville natale en 2012, Paso a eu mille vies. Et un musée à son nom, où se tient l’exposition Lignes de Vie(S), lignes d’Art jusqu’au 27 septembre. Alors que la sélection des œuvres n’est pas terminée au moment de l’interview, Paso, nerveux, se détend au fil des souvenirs qu’il égrène sous le regard bienveillant d’Helga, sa compagne. Ensemble, ils retracent les traits de génie de l’artiste de 90 ans.

Quand avez-vous su que vous seriez artiste-peintre ?

Ma mère me disait que je dessinais avant même que je ne marche, par conséquent mon destin était fixé. Voilà mon premier dessin à 4 ans (un oiseau dans son nid), je l’ai encadré en retournant le papier, avec une ficelle pour l’accrocher un jour dans un musée, c’était prémonitoire (sourire). En 1949, je suis allé aux Arts déco, c’est très important parce que j’avais 14 ans, alors qu’à l’époque il fallait avoir 21 ans, la majorité, à cause des dessins de nu. Quand je l’ai dit à mes parents, ils ont répondu on ne vit pas de ça. Mais j’avais un oncle curé qui m’a emmené aux Arts déco. J’ai pleuré dans le bureau du directeur et finalement il m’a laissé faire le concours ! J’ai été classé parmi les meilleurs. Certains élèves avaient 30 ans, mais c’était d’abord stimulant, je m’y suis mis pour trouver ma place, c’était une évidence.

Il y a deux périodes dans votre carrière, d’abord celle Paul Klein de 1954 à 1985, alors que vous travailliez à côté ?

Oui à l’époque, je faisais de la peinture figurative, et pendant mon service militaire, je caricaturais les supérieurs, je dessinais les incidents, j’ai été publié et pas mal connu en Algérie ! Le colonel m’a vu et finalement ça l’amusait beaucoup, il m’a soutenu ! De retour d’Algérie, à 21 ans, je n’avais pas un sou en poche et il fallait payer mon bifteck, je faisais donc beaucoup d’illustration, des calendriers, je travaillais avec des éditeurs, la presse. Mon commerce se développait, et un jour, j’ai pris une personne avec moi, puis une deuxième, j’ai installé mon atelier au centre de Strasbourg, puis j’ai créé ma première société, et j’ai glissé dans la publicité, alors que ce n’était absolument pas mon métier…

L’une des toiles de 2025 qui sera accrochée resto-verso. / ©paso
À partir de 1960, vous avez trois sociétés, lesquelles ?

Je me suis rendu compte que l’image était importante, il me fallait un studio et un laboratoire photo, j’ai pris un menuisier pour des décors de films, des prises de vue, et toute la France venait chez moi parce que ça n’existait pas ailleurs. J’avais une société de graphisme, une de photo, or il fallait imprimer ces images et c’était toujours très long ! Donc j’ai créé une imprimerie et développé une spécialité, la photo géante : à l’époque le maximum était de 30×40 cm, moi je faisais des photos de 4m !
Je travaillais même pour l’ORTF, les négatifs arrivaient le matin à Entzheim, je faisais l’agrandissement et le soir ça repartait pour le JT !

Êtes-vous êtes à l’origine d’autres innovations ?

Oui, dans le secteur du tourisme (sourire). J’avais une demande énorme de plans d’orientation, j’ai équipé des centaines de villes de France ! Et pour les plastifier aussi :
j’ai mis au point un système pour stratifier les plans et les exposer à tout vent. Ça existe toujours, c’est mon frère qui continue. J’avais aussi des commandes d’Allemagne, par exemple dans la mode avec Triumph. J’avais des mannequins, les filles étaient nues et j’ai dessiné directement sur leurs corps, c’était en 62-63, il ne faut pas le dire… Je les ai photographiées et Triumph a changé la ligne de production, et fait des affaires énormes à Paris ! Donc voilà, j’étais submergé, j’avais en moyenne une quinzaine d’employés.

La signature de Paso (2025), avec les peintures qu’il fabrique lui-même. / ©paso
Puis arrivent vos 50 ans en 1985. Comment débute la période Paso ?

Un beau jour, c’est le grand réveil, il fallait que je fasse le point à mi-chemin. Avec ma femme Sonia (elle est décédée il y a vingt-sept ans), on a décidé de partir loin, en Chine, pour réfléchir. Et là, grande chance, j’ai rencontré des artistes qui m’ont emmené dans leur atelier et j’ai pu voir la calligraphie chinoise, j’étais sidéré ! Quelle concentration, ils regardent et d’un coup cette pulsion, ils prennent le pinceau, l’encre et c’est d’une précision incroyable. J’ai essayé, ça n’a pas marché, mais ça m’a fait comprendre que c’était ça mon métier, pas les affaires.

Vos débuts sont-ils faciles ? Quand arrive votre première exposition ?

J’avais confiance en moi, je suis monté à Paris, et un galeriste me dit, si un artiste n’est pas connu à 50 ans, il ne le sera jamais ! Le hasard a voulu que je sois à la gare avec un couple allemand devant un plan, je demande, kann ich sie helfen ? Et ils m’invitent à prendre un café, lui construit des machines, et sa femme est artiste peintre. Ils ont une petite galerie, il me propose d’exposer, je réponds, difficilement, je suis très pris ! (rires) Il faut bien faire monter les enchères ! Quelque temps après, un artiste lui fait défaut, alors je dis, ok pour rendre service ! C’était à Stuttgart, en banlieue, une galerie pas très grande, alors il a fallu que je fasse des petits tableaux… Quelques jours après, le conservateur du musée d’Art moderne achète une de mes toiles : c’était parti ! J’expose à Hambourg, et là, coup de téléphone de Ludwig, le plus grand collectionneur d’Europe, à Cologne ! C’était extraordinaire, une exposition très importante, les journalistes, la télé…

Helga et Paso, complices sur la toile comme dans la vie. / ©sb
D’où vient ce nom d’artiste, Paso ?

Ce sont quatre lettres, on ne peut pas les oublier. Mon prénom c’est Paul et ma première femme, Sonia, chacun a donné 50%. Même les Chinois peuvent le prononcer et le O, ça sonne bien, c’est encore le publicitaire en moi ! (C’est presque le raccourci de Piccasso !
glisse Helga.)

Pensez-vous avoir une bonne étoile ?

Notamment vos deux femmes, vous ont-elles toujours encouragé ?
Bien sûr, Sonia comme aujourd’hui Helga. On se connaît depuis 2002, jamais je ne sortais de mon atelier, mais là exceptionnellement, on s’est croisés. Encore une bonne étoile !

Helga, quel est votre rôle auprès de Paso ?

J’ai beaucoup de casquettes, la communication par exemple, bien qu’on ait une association aussi, pour aider aux événements, soutenir, pérenniser. Mais j’aurai bientôt 77 ans, cela me fatigue. Paso est très prolifique, il n’arrête pas, chez lui tout est infini, il ne connaît pas de limites, ni les mots « tant pis » ou « juste milieu ». Moi je découvre encore des choses qu’il a inventées, c’est inimaginable ! C’est sa personnalité, il faut le vivre pour le comprendre, il a dix vies en une vie.

Lignes de Vie(S), lignes d’Art, l’exposition des 90 ans de Paso

De toutes nouvelles peintures, sur le thème de « L’homme dans la nature, la nature dans l’homme. Il y en aura huit, de 2 m sur 70 cm, accrochées recto verso », explique l’artiste. Grâce à une articulation, elles pourront être orientées par les visiteurs : « Cela change la configuration, ils recomposent selon ce qui leur plaît. Les gens auront pour une fois le droit de les toucher, ça devient interactif »,se régale-t-il d’avance. Des œuvres plus anciennes, des colonnes Maurice, « tout ce qu’on n’a jamais montré, des fragments de vie » seront visibles à l’espace Paso de Drusenheim.

Infos sur www.museepaso.fr et Instagram @paso_off.

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