Pourquoi avoir fait le choix de Sybille, une figure peu connue de la famille de Dietrich ?
Lorsqu’on évoque les Dietrich, on pense forcément à Jean III – le “Roi du fer”-, à son fils Philippe Frédéric – membre de l’Académie des sciences et premier maire élu de Strasbourg -, et à Amélie née de Berckheim qui a repris en main la société des Forges du Bas-Rhin dès 1806. Sybille Louise de Dietrich, née Ochs, est si rarement mise en lumière. On peut la percevoir comme sœur du chancelier de Bâle, Peter Ochs, comme femme de Philippe Frédéric qui a aidé à arranger ce qui allait devenir « La Marseillaise », comme mère de deux enfants – en réalité elle en a eu quatre -, voire comme franc-maçonne. Mais que connaissons-nous vraiment de son enfance, de sa personnalité, de ses choix, de son vaste entourage, de ses luttes, de son existence compliquée ? Le livre propose un éclairage inédit.
Lors de vos recherches, vous découvrez une femme hors du commun ?
D’abord je me rends compte que c’est une Européenne : elle passe son enfance à Hambourg, et son adolescence à Bâle, puis vit à Strasbourg et Paris ; ses havres de paix sont tous alsaciens : en particulier Rothau et Jaegerthal. Ensuite il faut souligner la diversité et la richesse de son cercle amical : elle soutient Lafayette au point de le nommer parrain de son quatrième fils, côtoie des musiciens comme Edelmann qui lui dédie des œuvres, des artistes comme Houdon, mais aussi Madame Lavoisier… et si son fils Fritz dialogue avec Napoléon, elle, est en contact avec l’Impératrice Joséphine. En outre, dans sa famille, c’est elle qui semble être la plus convaincue de la nécessité d’une République et d’un système démocratique. Quitte à se retrouver dans les cachots… Quitte à se “faire hacher” précise-t-elle…
Vous écrivez : « c’est le bonheur qui émane des qualités morales et des vertus qui sont la seule richesse avec le sentiment de l’amour ». Sybille de Dietrich est-elle une femme en avance sur son temps ?
Cette femme d’entre deux siècles – le XVIIIe et le XIXe – est étonnamment très moderne dans son écriture comme dans son comportement. Ainsi se permet-elle de remettre en cause les fiançailles avec Philippe Frédéric. Après la mort de son époux, elle vit une histoire d’amour avec un homme qui a seize ans de moins qu’elle ; cela devient évidemment une affaire de famille ! Elle décide aussi d’élever sa petite-fille illégitime alors que la mentalité
de l’époque n’est guère propice à cet égard. Elle lutte pour des causes : par exemple, elle s’engage pleinement dans une Révolution mais avec réflexion, intelligence, et surtout sans violence.
Ce qui peut également surprendre dans son parcours, c’est la succession d’épreuves qu’on n’oserait imaginer. A tel point, qu’en 1800, elle dit : « Je regarderai comme bonheur à saisir l’absence du malheur ».
Mais là encore, le destin s’acharne : non seulement elle aura connu la misère financière, perdu son mari mais aussi ses quatre enfants ! Cette biographie est globalement le portrait d’une femme vertueuse, optimiste, parfois très drôle, profondément bienveillante, généreuse, tolérante, empathique, pleine de compassion : des qualités essentielles pour que l’humanité puisse continuer.
L’Histoire est aussi au cœur de la vie de Sybille de Dietrich.
Comme l’ont relevé certains lecteurs, Sybille permet de mieux comprendre l’Histoire. En sa compagnie et celle de ses proches, nous voyageons de l’Ancien Régime, du siècle des Lumières à la Révolution, Terreur y comprise, en poursuivant jusqu’à l’Empire… et ce en l’espace de cinquante années !
De plus, avec elle, nous participons aussi au tout premier baptême républicain qui a lieu à Strasbourg. Avec elle, nous partons à la découverte d’ambiances méconnues de communes alsaciennes d’antan dont certaines du Nord de l’Alsace. Nous dégustons en particulier la réception du mariage princier qui a lieu au château de Reichshoffen, avec des invités français comme allemands, ou encore l’inauguration d’un haut fourneau à Niederbronn aux côtés du général Kellermann. Avec elle, nous avons le plaisir de rencontrer, à de nombreuses reprises, Frédérique Brion, l’idylle sessenheimoise de Goethe, ou encore Lili Schoenemann, l’ex-fiancée du grand poète.
Au fil des pages, Sybille va démontrer qu’elle a toute sa place dans la galerie des femmes exceptionnelles d’Alsace du XVIIIe-XIXe.
Sybille De Dietrich, une femme des Lumières en quête de liberté aux éditions du Quotidien La Nuée Bleue – Agrémenté de plus d’une centaine d’illustrations anciennes – Tarif 22 €