Comment avez-vous vécu ces derniers mois ?
« Je m’étais autoconfiné fin février – début mars, alors que des cas de coronavirus venaient d’être confirmés sur notre territoire. J’ai décidé de limiter au maximum mes sorties. J’ai passé mon confinement seul dans ma circonscription, ma famille étant à Paris. C’était parfois difficile à gérer« , confie le député, également marqué par le décès de Bernard Stalter, Président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat. « Les quinze premiers jours ont été particulièrement compliqué. Beaucoup d’appels, de demandes, de frustration, d’impuissance, de débrouillardise. J’ai redistribué les masques FFP2 que j’avais réussi à obtenir par-ci par-là, par le biais de dons. »
Au niveau de la santé, comment s’en est sorti le territoire ?
« Matthieu Rocher, directeur de l’hôpital de Haguenau et moi-même étions en contact régulier. La direction avait pris l’initiative de s’organiser en autonomie et avait donc un coup d’avance sur la crise sanitaire. La situation était tendue, mais l’hôpital de Haguenau n’a jamais été débordé. Il a rapidement triplé sa capacité. Sa gestion était remarquable, tout comme son travail avec deux autres établissements du territoire pour les fins d’hospitalisation. Nous restons aujourd’hui très observateurs de la situation sanitaire, nous ne sommes pas encore dans une « normalité ». Il y a également une inquiétude grandissante quant à l’arrivée de toutes les autres pathologies qui n’ont pas été traitées pendant confinement, par peur de se rendre à l’hôpital. »
Quelles étaient les inquiétudes les plus récurrentes des entreprises et des particuliers de la circonscription ?
« Nous avons reçu beaucoup d’interrogations de la part d’entreprises inquiètes. Notre rôle était de leur fournir des documents synthétiques avec les différentes solutions proposées, de leur donner les informations les plus récentes possibles puis d’affiner au cas par cas. Beaucoup de questions par exemple de la part du secteur du bâtiment, des cabinets d’experts comptables, des problématiques de responsabilité juridique des entreprises qui voulaient continuer à travailler ou encore des questions autour des aides et dispositifs mis en place. Nous avons, en quelques jours, trouvé des solutions pour des entreprises haguenoviennes dont les banques ne voulaient pas débloquer le PGE (Prêt Garanti par l’Etat). 400 emplois étaient menacés. Nous avons également été sollicités par des particuliers dont les situations familiales étaient tendues, ou qui nous apportaient de lourds témoignages par rapport à la maladie. Psychiquement, c’était difficile.
Au début du confinement, il s’agissait surtout d’accompagner les élus locaux et de tenter répondre à leurs questions, concernant la gestion de la crise mais également le décalage de l’installation des nouveaux conseils municipaux. Des réunions avec les maires, les citoyens de la circonscription, et le Sous-Préfet ont eu lieu pendant le confinement. J’étais s’en contact régulier avec les parlementaires et ministres qui étaient demandeurs de retours-terrains. »
Comment a été vécue la fermeture des frontières sur le territoire ?
« Nous avons été particulièrement sollicités sur le sujet. La fermeture a été difficile, notamment pour les travailleurs frontaliers. Ces français ne pouvaient plus faire leurs courses en Allemagne, sous peine d’être verbalisés. Nous avons constaté des cas de délations, ce qui a créé de véritables tensions par endroits entre les deux populations, et qui était complètement en contradiction avec l’aide transfrontalière dont la France a bénéficié. En tant que président du Centre Européen de la Consommation, j’ai tenu à faire remonter ces problématiques. Un accord a été signé le 13 mai 2020 entre la France et L’Allemagne pour éviter les doubles impositions. Cet accord permet de tenir compte de l’impact de la crise du Covid-19 sur des milliers de travailleurs frontaliers qui s’étaient retrouvés en chômage partiel en Allemagne. C’est une avancée très attendue par les travailleurs frontaliers. »
Qu’avez-vous pensé de la gestion de l’exécutif ces derniers mois ?
« Il faut reconnaître qu’il y a eu des bémols dans le gestion de l’exécutif, notamment concernant l’approvisionnement des masques et autres équipements de protection individuels. Cette problématique était vraie ailleurs qu’en France également. Cela va ouvrir des débats au niveau de l’Europe : il faut construire une vraie Europe politique, surtout au niveau de la santé. Emmanuel Macron et Angela Merkel ont proposé de créer un fonds de relance pour soutenir l’économie de l’Union Européenne.
Il y a également eu des problèmes d’organisation et de logistique, notamment au niveau de l’ARS. Ils ont pu être résolus grâce au travail de la préfète avec les collectivités territoriales. On peut se demander à quel niveau il faut mettre la compétence. »
Quel aspect positif pouvez-vous tirer de cette crise ?
« Nous avons assisté à un regain des circuits de proximité, avec beaucoup de ventes à la ferme ou dans les commerces locaux comme les boucheries par exemple. Cela vient d’une prise de conscience de la part de la population, mais peut-être aussi d’une peur de se retrouver dans les grandes surfaces pendant le confinement. »
Comment imaginez-vous l’après-crise sur le territoire ?
« Pour l’instant nous sommes encore en phase de déconfinement. Tous les chefs d’entreprises ont apprécié les réponses de l’Etat. C’était du jamais vu, avec l’installation rapide du PGE ou du fond de résistance, l’accès au chômage partiel et le niveau de revenu non négligeable. Sur notre circonscription, l’impact était assez diffus : certaines grosses entreprises ont continué à tourner à 75% pour répondre à des commandes, quand d’autres ont tourné au ralenti.
Mais des interrogations persistent. Notamment concernant le secteur de la restauration qui représente 2% des emplois de la circonscription et sur lequel la crise a eu un gros impact. Beaucoup de restaurants ont d’ailleurs dû s’adapter en proposant de la vente à emporter. Le secteur de l’automobile est lui aussi en difficulté, et certaines PME sont à surveiller. Sur le territoire, 22% des petites entreprises ont moins de trois ans et sont en phase d’évolution. Nous devons rester vigilants. Autre sujet d’attention particulier : l’emploi des jeunes et des séniors.
Notre objectif principal est de sauver le maximum d’emplois. Le confinement n’a pas aidé les familles les plus pauvres. Nous voulons à tout prix éviter que les jeunes de 2020 deviennent une génération de sacrifiés, c’est un vrai sujet. En même temps, il faudra allier économie et écologie : consommer local, favoriser les énergies vertes. Ce qui nous attend avec le réchauffement climatique est bien pire que cette crise, et cela nous concerne tous. Le monde d’après n’existera que si chacun d’entre nous s’en saisit. »