La période de pandémie que nous connaissons s’est caractérisée par des mesures de confinement et de fermeture qui se solderont par une destruction de valeur considérable du point de vue économique. Au niveau macro-économique, les experts évoquent une perte de PIB de plus de 10 % en France et une explosion de la dette publique à 120 % du PIB, voire 130 % pour certains.
Au niveau micro-économique, de nombreuses entreprises ont été confrontées à des difficultés de trésorerie, et nombre d’entre elles se sont retrouvées dans l’impossibilité d’honorer toutes leurs factures. C’est pourquoi les pouvoirs publics ont pris un certain nombre de mesures qui permettent aux petites entreprises de bénéficier d’un report pour payer leurs loyers professionnels ou commerciaux, voire d’une annulation de certaines échéances. Retour sur ce dispositif et ses modalités d’application.
Pas de pénalités en cas de loyers impayés
Ainsi – et c’est la loi qui l’impose –, vis-à-vis des petites entreprises éligibles au fonds de solidarité (que nous avons présenté dans notre chronique de la semaine dernière) et qui ne sont pas en mesure de payer leurs loyers et leurs charges locatives, le bailleur ne pourra pas leur infliger de pénalités financières ou d’intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, ni exécuter une clause résolutoire, une clause pénale ou toute clause prévoyant une déchéance, ni activer les garanties ou les cautions couvrant le paiement des loyers et des charges locatives, et ce même si une disposition du bail le prévoit.
Cette mesure d’exception s’applique assez largement, puisqu’elle peut concerner les loyers et les charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit, a priori, jusqu’au 10 septembre 2020).
Un report ou une annulation des loyers pour certains commerces
En outre, certains commerces vont pouvoir bénéficier d’un report de paiement de leur loyer, voire d’une annulation de trois mois de loyers.
En effet, les principales fédérations de bailleurs (la FSIF, l’AFG, l’ASPIM, le CNCC), la Fédération française de l’assurance (FFA) et la Caisse des dépôts et consignations ont appelé leurs adhérents :
– à annuler trois mois de loyers pour les TPE qui ont été administrativement contraintes de fermer ;
– et, pour les autres entreprises fragilisées par la crise économique et sanitaire, « à engager des discussions avec leurs locataires en difficultés pour réduire la tension sur leur trésorerie, en adaptant au cas par cas la réponse et les aménagements qui pourraient leur être accordés ».
Reste toutefois à voir si ces recommandations seront suivies…
En outre, certains commerçants et artisans installés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (on parle aussi de quartiers « sensibles ») et qui exercent leur activité dans un local appartenant à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ou à l’une de ses filiales) vont bénéficier d’une annulation de loyers.
En effet, cette agence a annoncé qu’elle allait accorder une remise grâcieuse d’un trimestre de loyers, charges et taxe foncière, à ceux de ses locataires qui ont été contraints de fermer leur établissement entre le 15 mars et le 11 mai 2020 dans le cadre des mesures de confinement prises par les pouvoirs publics pour limiter la propagation du Covid-19.
Rappelons que l’Agence nationale de cohésion des territoires est un établissement public chargé notamment d’une mission de restructuration des locaux commerciaux et artisanaux. À ce titre, elle est propriétaire de locaux situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qu’elle donne à bail à des entreprises. Ces quartiers prioritaires sont au nombre d’environ 1300 situés dans les agglomérations de plus de 10 000 habitants en métropole, de 140 dans les départements d’outre-mer et de 70 en Polynésie française.
Comment les entreprises doivent-elles procéder ?
En pratique, les entreprises concernées doivent donc prendre contact avec leur bailleur et solliciter une annulation du paiement des trois prochains loyers ou, à tout le mois, un report de paiement des loyers.
Pour bénéficier de la mesure relative à l’absence de pénalités en cas de non-paiement des loyers, elles doivent lui présenter une attestation sur l’honneur qu’elles remplissent les conditions pour bénéficier de cette mesure et de l’exactitude des informations déclarées ainsi que l’accusé de réception du dépôt de leur demande d’éligibilité au fonds de solidarité.
Bien-entendu, ce sera aussi l’occasion de négocier les conditions du règlement, partiel ou total, de leur arriéré de loyers. Règlement partiel dans la mesure où certains propriétaires auront intérêt à se montrer concilient s’ils ne veulent pas mettre leurs locataires en difficulté à nouveau. Car en cas de dépôt de bilan de ce dernier, ils pourraient perdre bien davantage qu’un ou deux mois de loyers… Tout sera donc affaire de négociation en la matière puisque les pouvoirs publics n’ont pas prévu les modalités de déblocage de ces situations.