« Nous devenons de plus en plus stupides, ça se passe maintenant et cela ne va pas s’arrêter », affirme Edward Dutton de l’Ulster Institute for Social Research au Royaume-Uni. En 2018, Didier Raoult, qui n’était pas encore le grand défenseur de l’hydroxychloroquine écrivait un papier dans Le Point. Son titre « L’inquiétante baisse de notre QI » ne laissait aucun doute sur la tendance.
Alors que le XXe siècle fut celui de l’expansion économique, de l’augmentation de la longévité et de l’intelligence, au XXIe siècle, le QI moyen baisse dans les pays occidentaux. Le professeur désignait deux éléments responsables. La visualisation massive des écrans qui entraîne des modifications cérébrales visibles, avec une diminution de l’épaisseur de la matière grise dans certaines zones du cortex. En revanche, pour lui, la lecture entraîne des réseaux neuronaux multiples et augmente l’intelligence. C’est l’apprentissage de la lecture et son développement au cours du XXe siècle qui ont fait augmenter les QI. Le deuxième élément responsable de cette baisse de QI serait le temps de lecture qui diminue. Enfin, Raoult conclut que nos héros ne sont plus des intellectuels, mais des footballeurs dont le talent réside dans les jambes ou des chanteurs pour leur voix ; le QI n’est plus la force principale et ses performances chutent. C’est l’inversion du fameux « Effet Flynn », qui expliquait la hausse du QI moyen au XXe siècle par l’amélioration des conditions sanitaires et l’accès généralisé à l’éducation.
Plus le langage est pauvre, plus la pensée disparaît
Dans la lignée de l’addiction aux écrans, l’une des explications de la baisse du QI moyen en Occident serait l’appauvrissement du langage. Plusieurs études montrent qu’il ne s’agit pas seulement de la réduction du vocabulaire utilisé, mais aussi des subtilités linguistiques qui permettent d’élaborer et de formuler une pensée complexe. La disparition progressive des temps (subjonctif, imparfait, formes composées du futur, participant passé) laisse la place à une pensée au présent, donc limitée, ce qui rend les projections dans le temps quasi impossibles. Moins de mots, moins de verbes conjugués, cela signifie moins de capacité à exprimer ses émotions et moins de possibilités d’élaboration de sa pensée.
Par ailleurs, des études ont démontré que la violence dans les sphères publiques et privées provient directement de l’incapacité à décrire ses émotions à travers les mots. Plus le langage est pauvre, plus la pensée disparaît. C’est très bien raconté dans les bonnes dystopies !
Les causes sont multiples
En Norvège, une étude confirme que le QI moyen de 730 000 jeunes gens ayant fait leur service militaire entre 1970 et 2009 accuse une baisse de 7 points. Les causes seraient la dégradation du système éducatif, une alimentation de moins bonne qualité ou encore l’omniprésence des écrans. Les conclusions de cette étude ne font pas l’unanimité pour de nombreux chercheurs. Pour eux, ces résultats obtenus dans un pays de faible densité ne sont pas transposables dans d’autres pays occidentaux.
En Islande, une étude plus ancienne expliquait que parmi les individus à QI élevé, la propension à avoir des enfants serait moindre, du fait de l’engagement dans des études supérieures longues. Il y aurait à ce titre une sous-représentation de ces individus au sein de la population totale. Mais d’autres causes sont évoquées selon les études : la consommation de cannabis qui pourrait provoquer une baisse de près de 8 points chez les consommateurs excessifs, et toujours le temps passé devant la télévision, 60 jours par an en moyenne. Autre temps, autres causes : le vieillissement de la population mondiale entraînerait une augmentation du nombre de personnes atteintes de démence. L’OMS avance le chiffre de 152 millions en 2050, trois fois plus qu’aujourd’hui (la maladie d’Alzheimer est le type de démence le plus courant et représente 60 à 70 % des cas).
Pour d’autres, la baisse du QI moyen serait liée à la prolifération des perturbateurs endocriniens qui agiraient sur l’équilibre hormonal et l’action de l’iode, élément chimique essentiel au développement cérébral : « Un grand nombre des molécules inventées par la chimie pour les besoins de l’industrie, parce qu’elles contiennent d’autres halogènes que l’iode, sont susceptibles d’interférer avec le système thyroïdien et de l’empêcher d’orchestrer harmonieusement le développement du cerveau”, explique Barbara Demeneix, physiologiste et auteur du Cerveau endommagé. Mis en cause également, le chlorpyrifos, un pesticide utilisé sur les cultures, les animaux, les pelouses, que l’on retrouve dans tous les fruits et légumes, le sol et l’eau jusque dans l’urine des enfants et le cordon ombilical des femmes enceintes, peut entraîner des troubles du développement neurologique et une diminution des capacités cognitives, telles que la baisse du QI et la perte des capacités de mémorisation
L’intelligence humaine est-elle sur le déclin ?
Dans le camp des sceptiques, il y a le professeur Franck Ramus, directeur de recherche au CNRS. Pour lui, il n’y a pas de raison de croire que nous serions fondamentalement plus bêtes qu’avant : « En fait, nous sommes probablement plus intelligents qu’avant. Les scores de QI ont augmenté de manière considérable du début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Si l’on prend le QI d’une personne qui est dans la moyenne de la population, elle serait l’équivalent d’une personne surdouée il y a un siècle », affirme-t-il avant de conclure que le niveau de QI, limité par les performances de notre cerveau, a atteint sa limite, il plafonne, mais ne baisse pas.
À l’heure où tout va de plus en plus vite, où l’on parle plus volontiers du coefficient émotionnel, il n’est pas impossible que les tests de QI soient tout simplement dépassés. Et que dire de cette année 2020 où la Covid et l’enfermement n’ont pas arrangé le temps passé devant les écrans et le stockage de perturbateurs de toutes sortes ? Le début de cette nouvelle année n’arrange rien, les artisans de l’appauvrissement de l’esprit humain s’en donnent à cœur joie. Quoi ? J’ai dit une bêtise ?