samedi 23 novembre 2024
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Anne Schmitt, des heures de grande écoute

Elle a 37 ans quand on lui diagnostique un cancer du sein. À 42 ans, la maladie ne la laisse pas en paix, elle récidive. Entre-temps, elle ouvre un lieu en plein cœur de Haguenau (57 grand-rue) pour celles qui se battent, comme elle. Pour la cinquantaine de Femmes en rose qui achète régulièrement un dessous, un produit de maquillage ou qui suit un atelier, le cancer ne s’est pas arrêté pendant la Covid.

Parlez-nous de ce lieu à Haguenau !

Je me suis tellement battue pour ce projet, j’ai tenu bon. C’est un endroit où les femmes se ressourcent, on leur propose ce qu’il leur faut pendant leur traitement, tout ce qui est capillaire, les bonnets, les turbans. Une partie cosmétique car il est très important de trouver des produits sains ; deux marques créées par des personnes qui sont, elles aussi, passées par la maladie. Il y a des sous-vêtements. Il est essentiel de porter quelque chose de confortable à la suite d’un cancer du sein. Quelque chose de joli, de sexy aussi. Et puis, on y trouve de petites pierres aux vertus positives. C’est aussi un lieu d’écoute. Je prête mon oreille. Car elles ont besoin de se confier et d’échanger.

Êtes-vous une bonne oreille ?

Oui. Je l’espère.

Pourquoi avez-vous ouvert cet endroit ?

En 2016, j’ai eu un cancer du sein. Quand on vous annonce le protocole, vous entrez dans un monde inconnu, un monde dans lequel on est évidemment très bien accompagné par les médecins ou les infirmières qui font un super travail, mais entre les traitements, on a besoin de voir autre chose et de parler à des gens qui sont passés par là. Je me suis rendu compte qu’en dehors de l’hôpital, il n’y a rien. Et moi, j’ai eu envie de sortir de ces murs blancs. Un jour, une association a créé un événement, j’ai rencontré d’autres personnes qui m’ont exprimé leur désir de voir autre chose et j’ai eu envie de construire un lieu où les femmes pourraient se sentir bien. L’idée a trotté dans ma tête et au même moment, les choses ont changé avec mon employeur, ma vision de la vie n’était plus la même. J’en ai parlé à mon mari, nous avons cherché un endroit. Je ne voulais pas de vitrine, mais quelque chose de plus discret. Une amie connaissait ce lieu au cœur du centre-ville. C’était l’endroit parfait.

Ici, ce n’est pas seulement une boutique !

J’organise des activités qui permettent de penser à autre chose qu’à la maladie. Des ateliers bricolage, un autre où l’on confectionne son propre sac à main en cuir, un atelier zéro déchet, ou sophrologie, et, avec l’association Alsace contre le cancer, nous proposerons de l’art thérapie. Ce sont des ateliers « mixtes », avec des femmes qui ne sont pas forcément en traitement, des femmes qui apprécient le lieu et qui m’ont demandé d’y participer. Du coup, il y a de beaux échanges. Quand on est en traitement, on a trop souvent le sentiment d’être mise à l’écart. Quand ces deux mondes se rencontrent, il se passe quelque chose de formidable. Tout cela me donne beaucoup de force.

Depuis le mois de mai, vous êtes de nouveau en traitement ?

Oui, il y a eu une récidive. La chose positive c’est que c’est le même cancer, le cancer du sein, la même cellule a muté sur un ovaire. Les médecins la connaissent, ils savent comment la prendre, mais revivre cela une deuxième fois, c’est difficile. J’ai fait de la chimio, c’est épuisant, c’est long et maintenant j’ai un nouveau traitement, l’immunothérapie qui permet de stopper les mauvaises cellules et de protéger les bonnes, pour éviter une troisième récidive. C’est un traitement plus long, programmé jusqu’en septembre 2022. Je tiens bon.

On soigne de mieux en mieux le cancer du sein et on est peut-être à la veille de découvertes fantastiques, vous suivez tout cela ?

Oui. On parle même de vaccin aujourd’hui, et d’un nouveau protocole disponible dès le mois prochain. Le cancer du sein affecte beaucoup, moralement et physiquement. Notre corps change, notre vision de la vie change, c’est un long travail pour l’accepter. Mais il faut rester debout et profiter de la vie avec un grand V.

Vous trouvez injuste ce qui vous arrive ?

Oui, surtout ma récidive. J’avais énormément de colère. Je me souviens des paroles de mon fils, il a neuf ans et il m’a dit : « Maman, je ne comprends pas pourquoi la vie est injuste avec toi, alors que tu aides les autres femmes, pourquoi tu tombes malade, maman ? ». Lui aussi il le vit une deuxième fois, mais j’ai aussi trouvé une force nouvelle. La maladie m’a changé et je ne pensais pas pouvoir surmonter tout cela. J’ai un mari, j’ai un fils, et j’ai une famille, il faut que je me batte, je ne peux pas baisser les bras, nous avons encore de belles choses à vivre.

Anne Schmitt dans sa boutique du 57 grand-rue à Haguenau / ©Eric genetet

Quand vous dites que la maladie vous a changée, qu’est-ce que cela veut dire exactement ?

Je suis devenue plus forte, je m’écoute beaucoup plus, j’ai appris à écouter mon corps et à profiter de la vie, à faire vraiment ce que j’ai envie de faire. Je ne me demande plus si je peux faire, je fais et si ça ne marche pas ce n’est pas grave, je rebondis. C’est un combat, chaque jour. Il me reste beaucoup de choses à faire, beaucoup de projets.

Vous êtes aussi marraine de la Haguenovienne !

Oui, c’était un beau cadeau de représenter Haguenau devant toutes ces femmes qui se battent chaque jour, et il y en a beaucoup. C’était une belle récompense. J’étais fière. L’ambiance était impressionnante, c’était une chance pour moi de vivre l’événement de l’intérieur et de me rendre compte du travail qu’il y a derrière.

Existe-t-il des instants où vous ne pensez pas à la maladie ?

Non, aujourd’hui j’y pense tout le temps. C’est quelque chose que j’ai en moi, comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête. J’ai aussi mes moments de faiblesse, mais quand je suis avec mes amis ou ma famille, j’essaye de ne pas y penser. Et puis, il y a ce lieu où la solidarité existe. Ma porte est grande ouverte. Je dis aux femmes qui viennent ici qu’en cas de petits coups de blues, elles peuvent m’envoyer un SMS et j’essaye d’être là.

Et vous, en cas de petit coup de blues, à qui envoyez-vous votre SMS ?

À ma meilleure amie. Mais mon mari et mon fils sont très présents, encore une fois c’est important d’avoir un entourage fort, beaucoup de femmes n’ont pas cette chance. Certaines se retrouvent seules, parfois avec un enfant, et je suis encore plus admirative de leur courage.

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