L’organisation d’évènements, c’est votre truc depuis longtemps ?
À 17 ans, j’organisais des concerts de rock, et cela m’a poursuivi. Lorsque je suis arrivé à Thann en 2001, j’ai créé l’association Mix’Thur. L’année suivante, j’avais 25 ans et j’étais le plus vieux, on a monté un festival en plein air. Cela a continué comme ça, avec l’organisation de tournées pour un groupe et d’autres événements, tout cela de façon bénévole. En fait, je suis journaliste de formation, je travaillais dans une télé locale qui a fermé et je me suis reconverti dans l’événementiel, mais dans l’événementiel de conviction, car mon côté militant a pris de plus en plus de place dans ma vie de tous les jours. Je me suis engagé de plus en plus, avec des associations environnementales ou sociales, puis je me suis présenté aux Municipales à Thann. Depuis 2020, je suis délégué à la démocratie participative. Parallèlement, j’ai monté les salons Made in Elsass en 2016.
Il vient d’où ce désir d’engagement ?
Il n’y a pas de terreau familial là-dessus. Je crois que j’ai développé de l’empathie envers les gens, une compréhension plus globale du monde et de la société. Le reste c’est de l’acquis. Dans mon passé de journaliste, j’ai fait des rencontres de gens actifs et passionnés, et progressivement, j’ai eu envie de devenir acteur, pas seulement témoin. Par exemple, pour la partie alimentaire, je consomme beaucoup moins de viande qu’il y a quinze ans ; lorsque j’ai découvert le nombre de litres d’eau nécessaire pour produire un kilo de bœuf, un kilo de poulet, un kilo de cochon, je me suis dit qu’il était impossible, compte tenu de la limite atteinte par notre planète, de continuer à manger du bœuf quatre fois par semaine, qu’il fallait privilégier le poulet et les légumes. C’est venu d’une exposition, c’est-à-dire de gens qui ont monté un produit pédagogique dans le but de faire réfléchir.
Et c’est ce que vous faites aujourd’hui !
Exactement. Je me dis qu’aujourd’hui, grâce à Made in Elsass, on peut faire passer des messages et faire avancer les choses avec un premier pas pour certains, une troisième pour d’autres vers une consommation plus vertueuse. Aujourd’hui, il y a une urgence écologique et sociale.
Peut-on être militant et chef d’entreprise ? Vous gagnez votre vie avec l’organisation de ces salons…
Je crois qu’il n’y a aucun problème avec ça. Après, à chacun de voir ce qu’il entend par « gagner sa vie ». La sobriété fait partie de ma vie, et je ne gagne pas 10 000 euros par mois et si ça m’arrivait, je ne les mettrais pas sur un compte bancaire suisse. Je les réinvestirais dans des initiatives d’économie collaborative. Ce n’est pas incompatible de commercialiser des stands et de lutter pour un monde plus juste.
Quel est le concept de Made in Elsass ?
C’est de dire aux citoyens, aux visiteurs, que l’on peut trouver localement tout ce que l’on consomme ou presque. Notre but est de montrer la diversité de la production alsacienne et les services, dans l’alimentaire, dans l’habitat, dans l’artisanat, etc., et même des choses plus surprenantes. On n’imagine pas forcément la production en Alsace. On va accueillir par exemple un fabricant de jeans qui est de Strasbourg ou quelqu’un qui fait des bougies, car il y a des ciriers en Alsace. Il y a aussi des entreprises de luminaires, de bijoux, des grosses sociétés également comme Cuisine Schmidt ou Tschoeppé. Le fait de consommer local permet de développer l’emploi et l’économie locale, tout cela entre dans un cercle vertueux.
Vous dites que tout cela permet d’être acteur et plus seulement consommateur, vous parlez même de consom’acteur !
Oui, je crois qu’il existe une prise de conscience de l’impact de sa consommation. On est de plus en plus nombreux à consommer des produits qui ont fait des milliers de kilomètres, on sait que notre planète n’est pas inépuisable. Parfois on me parle du prix, mais quel est le prix sur notre santé ou sur notre environnement d’un produit qui a traversé la moitié du monde ?
Il est aussi question de lutter contre l’évasion fiscale. Pouvez-vous nous expliquer cet aspect de votre démarche ?
On n’a jamais eu autant besoin de services publics, on s’en est rendu compte avec les hôpitaux pendant la pandémie, avec les infrastructures de l’école, etc. Lorsque l’on consomme local, la fiscalité de son achat est locale, on contribue au budget de l’État et donc aux services publics, on ne donne pas à des capitaux étrangers, à des entreprises qui font de l’évasion ou de l’optimisation fiscale. Je connais nos exposants, ils ne sont pas gérés par une entreprise américaine qui aura une succursale au Luxembourg pour ne pas payer d’impôts en France.
Je vous écoute, je me dis que c’est formidable, que des gens sur cette planète sont conscients des nouveaux enjeux, mais je sais aussi qu’il faut beaucoup de temps pour changer les habitudes ; ce salon y participe et concerne ceux qui sont déjà sensibilisés. Mais comment fait-on pour aller un peu plus vite et pour convaincre les autres ?
Justement, c’est tout le but de ce salon, c’est de ne pas être dans l’entre-soi. Ce qui est parfois le défaut des foires bio. Nous organisons vraiment un salon grand public, on y vient en famille, entre amis et l’on passe un bon moment. On peut y venir même si l’on n’a pas de conscience environnementale, sociale et économique. Les visiteurs vont réfléchir à toutes ces questions. Si vous rencontrez un savonnier, il va vous expliquer l’impact du contenant de votre gel douche, il vous dira qu’en France, un flacon de gel douche est acheté toutes les six secondes et en passant du gel douche au savon, on fait du bien à l’emploi local et à la planète. On s’est rendu compte que sur nos salons, les gens restent longtemps pour échanger.