Un mètre de neige, était-ce possible ? Il fallait creuser une tranchée pour aller de l’entrée du bloc à la rue. Après, le chasse-neige passait et on marchait jusqu’à l’école, les petits suivaient les grands. De batailles de boules de neige, je ne me souviens que d’une, seul contre une voisine de la rue Anshelm, j’avais 9 ans, très amoureux. Un bonhomme de neige avec une carotte et deux morceaux de charbon ? Il y a heureusement une photo au bord dentelée qui atteste de cette tradition. Il fallait aussi laisser les chaussures dans les escaliers et suspendre les pantalons trempés à un fil en nylon au-dessus du poêle à mazout. On avait de gros pulls de laine qui gratte et envie tout le temps de faire pipi à cause des pieds mouillés.
Papa nous a raconté la retraite de Russie, c’était passionnant, avec tous les noms des maréchaux de Napoléon et puis les grognards aux moustaches gelées qui s’endormaient dans le froid de la plaine et ne se sentaient pas mourir, il neigeait, il neigeait toujours.
Mais le meilleur souvenir, c’est celui de mémé. Je sens encore sa douce main sur ma poitrine avant de partir à l’école, elle soulevait le pull et le maillot de corps, la finette, et avec un bout de drap plié en quatre imbibé de schnaps elle me badigeonnait du nombril jusqu’au cou, ça piquait, ça sentait très fort, la tête tournait un peu et c’était très bon contre les microbes, surtout la tuberculose.
Ambroise Perrin