À l’annonce du partenariat signé entre le Groupe Pernod Ricard et le PSG, les Marseillais, choqués, ont décidé de boycotter leur bouteille de jaune. Il y a des gens qui ont de vrais problèmes dans la vie, m’a dit ma voisine. Si Kronenbourg devient sponsor du FC Metz, les supporters de Strasbourg passeront tous à la Bud ?
Certes la passion n’est pas la même sur la Canebière (qui porte mal son nom) que sur les bords du Krimeri, mais quand même. Du coup, je lui ai proposé de venir partager un pastis à la maison et on a parlé foot. Ma voisine m’a balancé que le seul sport pendant lequel elle s’était ennuyée ferme aux JO était le foot. Au début j’ai protesté, j’ai argumenté que c’était toujours le sport le plus populaire sur la planète et qu’il y avait bien des raisons à ça, mais finalement, après trois verres, j’ai fini par avouer que moi aussi je m’emmerde pendant une rencontre (je deviens vulgaire en picolant) et que je me suis beaucoup plus éclaté en regardant le volley, le rugby à 7, le basket 3×3 ou le tennis de table cet été.
Quel choc ! La passion de mon enfance m’a abandonné. Elle n’a pas tort ma voisine, il ne se passe pas grand-chose pendant 90 minutes ; on attend un but (qui la plupart du temps n’est pas extraordinaire), un geste technique, une action de classe. En gros, on vibre 30 secondes en une heure et demie. Parfois oui, un 4/3, un 6/0 ou un match anglais, un but de Mbappé cache la forêt de désespérance et de vacuité, mais il y a combien de France-Allemagne 82, de France-Brésil 98, de Racing-Lyon 79 ? La plupart du temps, on assiste à une partie de passes à dix insipide, on rentre à la maison ou on éteint la télé après avoir bu une bière ou un pastis, ou plusieurs pour oublier… et on oublie (c’est peut-être pour cela que ces breuvages sont devenus si populaires).
Et puis, je ne parle pas du monde du ballon rond, tellement superficiel, absurde, violent et toxique. Le football ne tourne plus rond. Les milliards et les stars, les dirigeants du foot, n’ont-ils pas tué leur discipline où le suspense est aussi rare que les retournements de situation, où l’on parle plus des coulisses que du jeu ?
Le football a perdu son intensité et sa noblesse. Plus certain qu’un grand écrivain de notre époque en fasse l’éloge, comme l’a fait Albert Camus. L’Alsacien Olivier Guez n’a-t-il pas écrit que le foot était une « passion absurde et dévorante » ?
J’ai le sentiment étrange qu’elle ne dévore plus grand-chose.