Votre précédent ouvrage avec Vlou, Les contes des femmes d’Alsace, s’inspirait des fonds Stoeber et Hinzelin. Est-ce la même source pour Les contes de Noël ?
Nicolas Kempf : Principalement, mais j’ai aussi eu accès à la bibliothèque du Crédit Mutuel au Wacken, à de très belles choses, plutôt rares. Certains contes avaient déjà été pris par d’autres recueils de la collection, mais il en restait de très connus, Saint-Nicolas, Hans Trapp, et des choses moins connues comme Saint-Colomban qui aurait introduit l’arbre de Noël avec une petite ruse. Ce qu’on possède aussi, ce sont des morceaux de conte, des mythèmes, par exemple la bûche qui doit brûler six jours, mais on n’a pas d’histoire scénarisée. Donc il faut inventer un début, du suspense, une fin, et c’est là qu’est le travail narratif. Un conteur, c’est plus qu’un recopieur d’histoires.
Apparemment, tous les chemins mènent en Alsace, y compris pour les rois mages ! Quelle est la part de légende et d’imagination ?
Oui, on ironise un peu au début de l’histoire : les rois mages s’étaient bien perdus pour aller à Bethléem en venant d’Inde et d’Arabie, et faire le crochet par l’Alsace ! C’est la version alsacienne comme il peut y en avoir dans d’autres régions. C’est quand même souvent du légendaire, cela se passe dans un temps mythique, médiéval… Le but c’est de chercher ce qui est intemporel, des comportements humains, des rapports. D’ailleurs les dessins de Vlou apportent quelque chose sur les détails, ils révèlent des caractères ou des sentiments des personnages… Son parti pris, c’est que le dessin ne soit jamais la répétition de ce qu’on vient de lire, c’est de la vraie illustration qui pousse plus loin.
On dirait que c’est écrit pour l’oralité ? Faites-vous la lecture lors des dédicaces ?
En fait je n’ai quasiment pas tapé au clavier, j’ai un logiciel de dictée vocale, l’ordinateur a été mon premier public ! Cela me permet d’être plus en prise avec la vitesse des idées, et les contes ont des effets de répétition, de suspension de la parole. Tout ça est inventé en temps réel. On joue sur les sonorités aussi. Il y a des mots inventés, j’aime bien les mots un peu durs, à casser sous la dent. Et ça nous plaît bien de raconter, Vlou est totalement impliquée. À Sélestat, le jour de la Saint-Nicolas, on aura une petite salle de théâtre et on va faire les voix. Mais on n’arrive pas à trancher qui fait les personnages, ça va se finir à chifoumi !