J’ai grandi dans une famille alsacienne dans l’Outre-Forêt dans laquelle les traditions alsaciennes sont au cœur et au quotidien : on y parle l’alsacien et on y cuisine les plats de la région. Le vendredi, on ne mangeait pas de viande, alors on faisait des plats à base de féculents ; mon plat favori, et de loin, était les Dampfnudle. On les dévorait avec une soupe de légumes ou, devrais-je dire, on mangeait la soupe de légumes avec les Dampnudle en les trempant dedans, sans l’aide d’une cuillère. En guise de dessert, on les accompagnait la plupart du temps de compote de pommes ou de fruits en bocaux, comme les pêches, les mirabelles ou encore les poires.
Ma grand-mère en faisait, ma mère en faisait, alors tout naturellement, à mon tour, j’ai appris à les faire, en reproduisant leurs gestes mille fois vus. Je me rappelle qu’elles me disaient pour me rassurer : » Quand les Dampfnudle cuisent, tu leur fiches la paix. Elles détestent être épiées, sinon elles se rebellent et se dégonflent. » ou encore : » De toute façon, quand la cuisson est terminée, elles t’appellent… Écoute-bien… (sie rufe schun…) « .
En 1998, j’ai été invitée dans l’émission de Sür un Siess, aux côtés de Simone et de Hubert, où j’ai présenté notre recette. Elle varie selon les familles, avec ou sans beurre, avec plus ou moins d’œufs ou carrément pas, salée ou sucrée, cuite sur les deux côtés ou seulement en bas, faite à la poêle, dans une marmite ou au four, avec de l’eau ou du lait… Que de variantes, mais moi je continue inlassablement à faire la recette de ma famille.
Le succès de l’émission était total, on m’interpellait dans la rue, même à Strasbourg en me disant, la larme à l’œil : « La dernière fois que j’en ai mangées, c’était ceux de ma grand-mère, et elle est morte depuis des années. » ou alors « Je ne connais pas du tout ces beignets, où peut-on en goûter ? »
Très touchée par ce que j’entendais, je me suis mise en tête de sauvegarder cette recette ancestrale qui me tenait tant à cœur, et de la faire découvrir à ceux qui ne la connaissaient pas encore sous des formes très différentes :
– cours particuliers en comité réduit
– cuisine à domicile lors de repas entre amis
– cuisson en direct lors d’apéros ou de vernissages lors d’exposition de peinture, de photos, de festival de musiques électroniques (faire découvrir ce beignet de la campagne dans les milieux de la culture à Strasbourg était l’un de mes plus beaux défis et une de mes plus belles réussites en la matière)
– au catering de la Laiterie, pour Alain Bashung, Rodolphe Burger, les Tigerlillies, Daniel Darc et bien d’autres encore
– participation au concours de la meilleure Dampfnudel en 2015 où j’ai eu le premier prix
– création avec des amies d’une association: « Du Temps de nos Grands-mères, d’ici et d’ailleurs » pour la promotion de la Dampfnudel à Strasbourg, cadre dans lequel nous avions proposé pendant plusieurs années, une ou deux fois par trimestre, un apéro autour du beignet.
Je distribue à qui veut ma recette afin que la Dampfnudel perdure et ne soit pas oubliée !
Pour la petite histoire
Lorsque Nathalie Fritz a réalisé des Dampfnudle pour Alain Bashung lorsqu’il vint à la Laiterie en novembre 2004, elle les a servies avec une soupe de légumes. Le chanteur était accompagné par sa femme Chloé Mons et leur fille Poppée. Il a aimé retrouver cette saveur liée à son enfance à Wingersheim.
Et puis aussi
Le mot Dampfnudle ou Dampfnüdle prête à confusion, car il signifie « nouille à la vapeur ». Or il s’agit de petits pains cuits dans un récipient avec couvercle. Ce plat est aussi réputé en Allemagne, notamment dans le Palatinat où on l’accompagne souvent, en dessert, d’une crème à la vanille ou d’un sabayon (e Winkrem).
Les « Dampfnudle » de Nathalie
Pour environ 60 petites ou 40 moyennes
1kg de farine
3 œufs
500 ml de lait
1 pincée de sel fin
1/2 cube de levure de bière
Veillez à sortir les ingrédients du réfrigérateur la veille, afin qu’ils aient la température ambiante. Il est impératif d’avoir une sauteuse, une cocotte ou une poêle avec couvercle. Sans couvercle, ils seraient impossibles de les réussir, car c’est la vapeur qui fait cuire ces petits pains.
1| Faites monter la levure dans un bol avec un peu de lait tiède.
2| Dans un saladier, mettez la farine, les 3 œufs, la pincée de sel fin, la levure délayée. Faites une pâte avec le reste de lait tiède, jusqu’à ce qu’elle décolle des mains et du saladier. Couvrez d’un torchon et laissez monter pendant environ 1 heure dans un endroit tiède sans courant d’air.
3| Sortez la pâte à l’aide d’un peu de farine sur la table, étalez-la à la main (sans rouleau à pâtisserie) et découpez-y des beignets à l’aide d’un verre. Nathalie apprécie les petites tailles que donne le verre à liqueur. Vous pouvez utiliser un verre à moutarde qui donnera des Dampfnudle de 6 à 7 cm de diamètre. Couvrez-les du torchon et laissez-les monter environ 30 minutes.
4| Chauffez un peu d’huile dans une poêle, placez-y les Dampfnudle, pas trop serrées (car elles gonflent encore), ajoutez un verre d’eau salée, couvrez, laissez cuire jusqu’à évaporation totale de l’eau, enlevez le couvercle, dorez-les de l’autre côté.
5| Servez très chaud.
Les Dampfnudle se dégustent avec une soupe de légumes (en été, on peut les manger avec une salade verte) et de la compote de pommes ou des fruits en bocaux. Un petit Pinot gris ou une bière accompagne très bien ce repas alsacien. On peut aussi les manger froides ou les réchauffer au grille-pain le lendemain, au petit déjeuner, pour les déguster avec beurre et confiture.