Vous êtes un ancien éducateur spécialisé, vous avez travaillé dans différentes institutions, mais toujours auprès des adolescents, des cas compliqués. Pourquoi êtes-vous devenu conseiller éducatif ?
Il y a une quinzaine d’années, j’ai pris conscience que les parents n’étaient pas pris en compte dans leurs difficultés avec leurs ados. Ils ont besoin de véritables conseils, d’un véritable soutien, surtout quand ils se sentent perdus. L’idée était de devenir un intervenant au sein même de la famille et de faire équipe avec les parents. Cet intervenant n’existait pas, il a donc fallu créer un nouveau métier. En général, les parents me disent « monsieur, nous avons tout tenté, vous êtes notre dernière chance ». Cela met un certain poids sur les épaules, mais la plupart du temps, quand les parents ont dit ça c’est qu’ils ont perdu confiance en eux, ce n’est pas forcément l’ado qui leur faire perdre espoir, mais eux qui ne se sentent plus capables de faire face. Donc, la première mission du conseiller éducatif est de se tourner vers les parents.
Quand l’ado a des problèmes, c’est déjà un petit peu tard, non ?
C’est complexe de prendre conscience d’une difficulté, il faut du courage pour ne pas se réfugier dans le déni, mais je pense que les liens qui unissent les parents et leurs enfants permettent de dépasser tout ça. Bien souvent, sortir des difficultés peut se faire quand les parents s’autorisent à parler des émotions qui les traversent. C’est quelque chose dont on parle très peu, si l’on arrive à parler de ce que l’on ressent, alors c’est un premier pas pour régler tous les problèmes. Les ados retiennent beaucoup les critiques qu’on leur adresse, et c’est vrai qu’en tant que parent on va plutôt se focaliser sur ce qui est négatif, on oublie trop souvent de valoriser l’ado dans toutes les petites choses qui le caractérisent et qui sont chouettes. Il faut faire attention au regard que l’on pose sur lui, mais personne n’est né un jour en disant « waouh je suis une superstar de la gestion des conflits ». Si on laisse plein de dossiers ouverts, cela crée de l’anxiété, des non-dits, de l’incertitude et, à un moment donné, l’ado a besoin de réponses à ses questions. Si elles ne viennent pas des parents, il ira les chercher ailleurs. Les conflits font grandir chacun à partir du moment où l’on en parle.
Qu’est-ce qui caractérise un ado ?
Le sentiment d’insécurité. Il donne le change avec énormément de certitude, mais à l’intérieur il y a énormément de vide à remplir, c’est difficile, car il voudrait que ces vides ne soient pas uniquement remplis par les parents. Il y a une phrase que les ados détestent, c’est : « Arrête de réagir comme ça, je te connais par cœur », c’est terrible. Ne faisons pas des ados des objets télécommandés.
Que pensez-vous de cette phrase
« Quand on devient parent, on assiste au déplacement du centre du monde » ?
La maturité c’est d’accepter de commettre des maladresses. Effectivement, devenir parent ça déplace le centre du monde, mais il ne faut surtout pas que l’ado soit mis à cette place-là.