Comment vous sentez-vous depuis la diffusion de Sept à huit sur TF1 et l’audience de la Cour d’appel de Colmar ?
Je me sens vidée. J’ai tenu, ça fait des années que je tiens, mais là je suis fatiguée, j’ai envie de craquer, de pleurer, de hurler à l’injustice. Hier au tribunal lorsque j’ai entendu les filles de Josiane Seiler prononcé mon prénom et dire que nous étions amies ou sœurs, j’ai eu envie de me lever et de leur demander si elles n’avaient pas honte. Elles se rendent compte soi-disant maintenant que leur mère a profité d’elles ? Comment peut-on mentir devant un tribunal ? Comment manquer à ce point d’empathie ? Moi qui les ai tellement admirées, elles étaient tellement brillantes, intelligentes, elles étaient comme des idoles pour moi, j’avais envie d’être comme elles. Mais là maintenant, jamais de la vie ; je préfère avoir traversé ce que j’ai traversé et ne pas être ces filles-là. Je n’oublie pas qu’à un moment je pesais 40 kg, j’étais anorexique et qu’elles m’ont laissé crever. Je préfère être à ma place qu’a la leur.
Vous avez déclaré, et c’est une phrase très forte que l’on vous « avait volé votre vie », mais vous venez de dire que vous préférez avoir votre vie aujourd’hui que la leur. Cela signifie que vous vous êtes reconstruite ?
Oui, mais tous les jours c’est un combat. C’est épuisant physiquement et mentalement. Chaque jour je me dis que je veux une justice, je veux être apaisée, ce qui n’est pas encore le cas. J’ai besoin d’une fin. J’attends le 3 octobre.
Depuis le début du procès, vous avez appris beaucoup de choses, par exemple que le père des filles avait lui aussi été manipulé par Josiane Seiler…
Oui, cet homme n’a peut-être pas fait les choses comme il le fallait, mais il est sorti des griffes d’un loup, il a sauvé sa peau, parce que cette femme c’est une horreur. Lui, il cherchait à revoir ses filles, simplement. Elle l’aurait mené à la mort, comme elle a voulu me mener à la mort, elle a presque réussi.
Cette femme qui a tout fait pour devenir votre deuxième mère avait accès à votre carte bancaire, elle l’utilisait ; le dossier de procès précise qu’elle a même retiré plus de 700 000 € en argent liquide en une seule année. Comment est-ce possible de ne pas avoir vu cela ?
Je faisais ce qu’elle me disait. Et quand il n’y avait plus rien, elle me disait de menacer mon père de lui couper les vivres, et il rapatriait de l’argent sur mon compte. Pour bien comprendre, il faut savoir que ma grand-mère m’avait laissé 12 millions d’euros, c’était la valeur de mon héritage. Mais j’étais encore mineur au moment de sa mort et mon père a demandé à l’exécuteur testamentaire suisse de virer l’argent sur son compte à lui. Moi je ne connaissais pas le montant de l’héritage, j’étais si jeune. Mon père me donnait de l’argent quand je lui en demandais. On m’avait mise en garde des intentions de Josiane, mais elle et ses filles étaient beaucoup pour moi, je leur faisais confiance. J’avais retrouvé une famille. Il faut aussi savoir que Josiane était déjà présente dans ma vie avant la disparition de ma grand-mère, que l’enquête a conclu qu’elle avait préparé le coup du vivant d’Arlette, en devenant amie avec moi par l’intermédiaire de ses filles. Josiane a réussi à manipuler mon père qui a été totalement crédule. Il était très seul dans la vie. Il s’est laissé faire et n’a pas rempli son rôle de père alors qu’il me voyait dépérir. En fait, elle nous manipulait tous les deux, mon père et moi, elle nous montait l’un contre l’autre. Mais maintenant j’ai accepté ça, j’en ai marre, je suis fatiguée, mais j’accepte. Ce qu’il faut, c’est qu’il y ait une justice.
Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que votre fortune était dilapidée, que vous n’aviez plus rien ?
J’étais sidérée. Je me suis assise par terre, pendant des heures, je ne pouvais plus bouger, j’avais comme une espèce de bruit dans la tête. J’ai eu de bons mois de galère, je suis passée d’appart en appart, chez des amis, ou pas. J’ai vendu tout ce que j’avais, parce qu’il me fallait de l’argent. Même les foulards Hermès de l’inauguration du musée Schlumpf dans les années 70 que j’avais en stock. Puis, j’ai commencé à travailler comme serveuse.
Regrettez-vous votre enfance de « princesse » ?
Cela serait mentir de dire que je n’ai pas aimé avoir tout ce que je voulais, bien sûr que je la regrette, mais heureusement il y a d’autres choses qui se sont ouvertes à moi, des choses plus saines et plus belles.
Si je vous dis que vous avez une force incroyable, parce que vous vous êtes relevée, j’ai raison ?
Un jour, on m’a demandé si après tout ça je me méfiais des gens… En fait aujourd’hui je sais faire la différence entre le bon et le mauvais. J’ai quand même croisé de belles personnes sur mon chemin. Je pensais partir aux oubliettes, que c’était terminé pour moi, mais finalement j’ai pu compter sur la bienveillance des gens.
Vous avez traversé des périodes très dures. Un mot sur l’anorexie.
J’ai cru que ça allait me protéger, mais je voyais une protection dans une autodestruction. C’est dur. On croit que c’est le seul recours. L’anorexie, la boulimie, l’alcool, la drogue, il y a plein de choses que les gens surmontent seuls. Peut-être que si je n’avais pas eu peur de parler de tout cela un peu plus tôt, cela ne me serait pas arrivé. Peut-être que des gens m’auraient tendu la main. Malgré tout, on peut s’en sortir, je suis là, je suis debout, la vie est dure, mais je surmonte tout cela.
Vous pensez que vous réussirez à oublier ce que l’on vous a fait ?
Non. On n’oublie pas. On vit avec. La cicatrice sera toujours là. Pour l’instant la cicatrice, on la recoud, et elle s’ouvre encore. Je suis toujours à cœur ouvert.
Que signifie le bonheur pour vous ?
J’ai mon fils, ma vie est beaucoup plus posée, je me bats pour lui. Mais le bonheur, je n’y suis pas encore. Ma vie est reconstruite, mais le passé est toujours là.
Dans l’interview d’Audrey Crespo-Mara sur TF1, il y a quelques jours, vous avez déclaré que pour vous la vie d’après ce sera quand votre fils trempera ses pieds dans la mer ou dans un océan…
Le symbole, ce serait ça, oui. Quand tout sera derrière, enfin. Cela restera en moi parce que ça m’a brisé une partie de ma vie. Cela m’a rendue forte, peut-être… j’en sais rien… je sais qu’il y aura encore des moments compliqués, mais un jour, on sera au bord de l’eau, dans un petit coin sans personne.
Pour la petite histoire
Le Musée national de l’automobile à Mulhouse réunit plus de 450 voitures d’exception ; la collection Schlumpf, la plus belle au monde, appartient à l’État français. Elle est estimée à
1 milliard d’euros.