lundi 3 novembre 2025
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Noémie Chust – L’art comme langage

Parisienne d’origine, strasbourgeoise de cœur, Noémie Chust est illustratrice et autrice de bandes dessinées alternatives. Diplômée de la HEAR, elle explore les émotions et les relations humaines à travers des récits graphiques, pleins de tendresse et de métaphores. En témoigne La Passerelle, son œuvre ornant la façade du Groupe Vivialys, rue de Molsheim à Strasbourg. Rencontre au Café Brasserie Michel, son QG inspirant aux banquettes rouges et café XXL. Il n’en fallait pas plus à cette grande généreuse pour nous spoiler un bout de sa prochaine BD.

Qu’est-ce qui vous a poussée vers le dessin comme mode d’expression ?

Je suis fille d’institutrice. En primaire, j’arrivais avant tous les autres élèves, avec une certaine obsession pour les vaches. Tous les matins, je dessinais une vache dans une tenue différente et je collais mes dessins dans le couloir de l’école. C’était mon premier rituel créatif et finalement ma première exposition (rires) ! Ensuite, j’ai beaucoup lu de romans, car c’est surtout l’écriture qui m’attirait. Mais en découvrant le travail d’illustrateurs des Arts déco de Strasbourg, j’ai compris qu’on pouvait raconter autrement, avec des métaphores visuelles. Ça a été le déclic.

La HEAR (ex Arts déco de Strasbourg) était donc une évidence ?

Complètement. Je voulais cette école, sinon rien ! J’admirais le travail des anciens, je lisais même les livres de mes futurs profs quand j’étais au lycée. À cette époque, je faisais beaucoup d’expos à Paris. Et dès qu’une œuvre me touchait, c’était le même refrain : l’illustrateur sortait des Arts déco ! Je me suis dit « il se passe quelque chose dans cette école ». Alors j’ai bossé comme une malade pour y entrer directement après le bac. J’y ai passé 5 ans et obtenu mon diplôme en 2021. Ce qui m’a toujours intéressé chez les illustrateurs des arts déco, c’est leur capacité à faire des pas de côté.

Vous parlez souvent de ces “pas de côté” dans votre processus créatif. Qu’entendez-vous par là ?

C’est éviter le littéral. Face à un thème, chercher l’image inattendue qui raconte autrement. Plutôt que d’illustrer les impôts avec un formulaire, pourquoi ne pas dessiner un dragon ? C’est une façon de surprendre, de créer du sens différemment. Cette école m’a montré qu’on n’est pas obligé de dessiner une BD de façon réaliste. Ce qui compte, c’est ce qu’on va raconter, les métaphores visuelles. Et ça, ça a été le déclic.

Dans le cadre du projet ARTMUR, Noémie Chust signe La Passerelle sur la façade magistrale du siège strasbourgeois Vivialys. / ©Yvideo
C’est cette approche que vous avez utilisée pour le projet ARTMUR, porté par Vivialys, autour de la devise “Liberté, Égalité, Fraternité” ?

Oui. Au départ, ce thème m’intimidait, mais j’ai remarqué sa rythmique en trois temps. Je travaillais alors avec des enfants sur des livres pêle-mêle, découpés en trois parties, et je suis tombée, presque au même moment, sur une expo en Allemagne avec un “cadavre exquis”. Avant de devenir un jeu, c’était une technique surréaliste inventée en 1925 comme acte de contestation contre la censure. Et cette année, hasard heureux, le cadavre exquis fête son centenaire. J’ai donc voulu en faire un hommage à travers une image légère, une présence bienveillante.

Travailler à l’échelle urbaine, c’était une première pour vous ?

Oui. Je viens du livre, un format intime, parfois confidentiel, voire inaccessible. Là, mon visuel s’impose aux habitants, ce qui peut être angoissant. Mais c’est aussi une ponctuation poétique dans la ville. J’aime l’idée que ce mur devienne un lieu de rendez-vous. Même si l’image ne peut pas plaire à tout le monde, elle provoque toujours quelque chose. J’ai eu pas mal de retours positifs, dont celui de la directrice des ateliers périscolaires que j’animais avec les enfants. Peut-être que certains passent devant en allant à l’école, et reconnaissent le sujet de l’atelier… La boucle serait bouclée !

C’est aussi une ponctuation poétique dans la ville. J’aime l’idée que ce mur devienne un lieu de rendez-vous

Comment en êtes-vous venue à la bande dessinée ?

Par mon envie d’écrire. La BD, c’est une double écriture : texte et image qui dialoguent. Ça me fascine, parce que tout reste à inventer dans ce médium.

Quelles sont vos sources d’inspiration, ici et ailleurs ?

Je lis beaucoup, surtout des nouvelles. Raymond Carver est une référence : il crée de la tension avec presque rien. Je m’inspire aussi du cinéma et de la musique, qui m’a vraiment aidée à comprendre la rythmique d’une BD. Et puis ma cathédrale de Strasbourg, ce sont les médiathèques. J’aime me perdre dans ces originaux d’artistes, carnets de recherche, fanzines en édition limitée… Ce sont des lieux incroyables, qui seront d’ailleurs présents dans ma prochaine BD. Je pars bientôt m’isoler sur une île italienne pour l’écrire. J’espère que ça finira moins mal que dans le film Shining (rires) !

La couverture de l’Avant-match de Noémie Chust, BD, Éditions Fidèle. / ©DR
Dites-nous en plus sur ce projet, et tous les autres à venir !

Ce sera une BD futuriste, avec un chapitre situé à Strasbourg en 2074… et une deuxième tour à la cathédrale !
Sinon j’aimerais aussi apprendre à peindre des fresques murales – merci ARTMUR (rires). Et mon rêve, c’est de devenir prof en école d’art. J’aime l’idée de transmettre. Mais pour ça, il faut avoir vécu des choses. Donc d’ici ma crise de la quarantaine, je compte créer et explorer le plus possible (rires).

Un dernier message pour nos lecteurs ?

Osez sortir de votre zone de confort. Allez voir une expo que vous ne comprenez pas, ouvrez un livre dont la couverture ne vous attire pas… et surtout : fréquentez les médiathèques (rires) !

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