lundi 17 novembre 2025
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Matthieu Arnold – Les figures positives

Professeur d’histoire à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg, spécialiste de la Réforme et du protestantisme au XXe siècle et correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Matthieu Arnold a consacré sa vie à l’étude de grandes « figures positives ». C’est en travaillant sur la correspondance de Luther que le chercheur découvre sa passion pour la biographie. En 2013, à l’occasion du centenaire de l’arrivée de Schweitzer à Lambaréné, il se met à raconter ses années alsaciennes. Révélation : cette première « demi-biographie » lui ouvre la voie d’un genre qu’il n’a plus quitté. Installé à Haguenau depuis 2009 et ancré au sein de la Paroisse protestante, dont il salue le dynamisme intergénérationnel et l’ouverture à tous, il poursuit ses recherches sur les liens entre foi, culture et humanisme en Alsace.

Votre parcours est intimement lié à l’Alsace. Qu’est-ce qui vous a poussé à en faire votre terrain d’étude et d’enseignement ?

Je suis lié aux trois départements concordataires, et devenu pasteur à 29 ans, après avoir soutenu ma thèse de doctorat. En 1997, j’ai succédé à Marc Lienhard – alors nommé président de l’Église luthérienne – à la faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg. Et je n’en suis plus jamais reparti ! En 2009, avec ma famille, nous avons fait notre nid à Haguenau. L’Alsace est au cœur de mes recherches, mais aussi de mon histoire personnelle et spirituelle.

Vous êtes reconnu pour vos biographies. Comment cette passion est-elle née ?

Quand j’étais enfant, mes parents avaient dans leur bibliothèque une biographie de Louis XI qui me plaisait beaucoup. Mais je ne me pensais pas capable de réaliser de tels travaux. Alors j’ai d’abord fait ma thèse sur la correspondance de Martin Luther. Puis en 2013, à l’occasion du centenaire de l’arrivée d’Albert Schweitzer à Lambaréné, j’ai voulu raconter ses années alsaciennes, très peu étudiées. Ce fut mon premier travail biographique. Et depuis, je n’ai plus arrêté !

Votre biographie de Luther (Fayard, 2017) s’est écoulée à plus de 4 000 exemplaires. Comment passe-t-on des engagements humanitaires d’un Schweitzer à la figure du réformateur ?

J’aime m’attacher à des personnalités positives. Je ne me vois pas passer des années en compagnie d’Hitler, par exemple (rires). Luther et Schweitzer partagent cette force d’action et de conviction, cette capacité à penser profondément tout en agissant et en restant ancrés dans l’humain. Ce sont des compagnons de route inspirants.

Publiée en 2017 aux éditions Fayard, la biographie de Luther s’est vendue à 4 000 exemplaires. / ©DR
Cette année, vous sortez une biographie – aux éditions Fayard – qui révèle un Schweitzer aux multiples facettes : médecin, pasteur, théologien, philosophe, et musicien. Quelle découverte vous a le plus surpris ?

J’ai eu accès à des archives inédites qui montrent qu’entre 1914 et les années 1930, Albert Schweitzer a longtemps été perçu avec méfiance par les autorités françaises : on le soupçonnait d’être un agent allemand ! Pourtant, sur le terrain, les fonctionnaires de Lambaréné saluaient unanimement son action humanitaire et son absence de politique. Cette dichotomie illustre bien son courage : rester fidèle à son principe de neutralité dans un contexte de nationalisme exacerbé. Ça m’a beaucoup impressionné.

Vous cherchez aussi à rendre l’Histoire vivante. Comment la rendez-vous accessible au grand public, et notamment à la jeune génération ?

En la racontant autrement ! J’ai participé à l’adaptation en bande dessinée de Luther dans la collection « Ils ont fait l’Histoire » (collaboration des éditions Fayard et Glénat). C’était passionnant de mêler rigueur historique et narration graphique. Récemment, on m’a proposé une version manga… On verra ce que ça donne (rires). Plus récemment, j’ai rencontré des collégiens des Missions africaines dans le cadre du Mois de l’Autre : ils posaient des questions spontanées, pleines de curiosité. C’est une autre façon de faire aimer l’Histoire.

À l’occasion du 150e anniversaire d’Albert Schweitzer, Fayard publie cette biographie pour laquelle Matthieu Arnold a eu accès à des archives inédites. / ©DR
Vous êtes correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Qu’est-ce que cela change dans votre approche ?

C’est un milieu stimulant où l’on ne cesse d’apprendre et de cultiver plein de liens différents. Tous les deux ans, je présente une communication sur mes recherches, souvent autour du XVIe siècle, de Luther ou de Martin Bucer. C’est aussi une manière de faire entendre une voix protestante dans le débat historique.

Et après Schweitzer et Luther, à qui allez-vous vous intéresser ?

Je poursuis mes travaux sur la Réforme en Alsace, notamment sur Catherine Zell, la première femme à avoir publié des écrits. J’aimerais aussi éditer des « écrits de réconfort »
de Luther : des lettres destinées à apaiser la souffrance, comme la peur de la mort par exemple…

Donc des écrits positifs, qu’on aime aussi diffuser chez Maxi Flash !

Tout à fait. Je crois qu’il est bon de s’attacher à des figures concrètes et positives, de s’en inspirer pour ne pas se laisser décourager par l’atmosphère ambiante.

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