Maxi Flash : Comment avez-vous rencontré Pierre Dac ?
Jacques Pessis : J’avais 15 ans, je connaissais son œuvre complète. Je suis allé à RTL, il m’a donné rendez-vous. Je lui ai proposé de faire un amphi de physique dans mon lycée, sur le Schmilblick—ce mot, c’est son invention. Pourquoi il a dit oui, je n’en sais rien, il a cru en moi. Je suis devenu son secrétaire particulier, et comme il n’avait pas d’enfant, son légataire universel et son « neveu adoptif ». Quand il nous a quittés « d’un manque de savoir-vivre » en 1975, j’ai décidé de poursuivre son œuvre. Il disait, « il vaut mieux passer hériter à la Poste qu’à la postérité » : j’ai démontré le contraire, en commençant par écrire sa biographie, ce qui n’était pas simple puisqu’il avait tout déchiré. Puis j’ai monté des spectacles sur lui, réédité ses livres, retrouvé les numéros disparus de L’os à moëlle, pour donner une dimension à son œuvre.

Que reste-t-il de son humour aujourd’hui ?
Mon travail dans la transmission, c’est de le faire découvrir aux jeunes, parce que c’est une forme d’humour à développer et à perpétuer. Je pars du principe qu’il faut connaître le passé pour préparer l’avenir. Sans Pierre Dac, il n’y aurait pas eu Devos, Desproges, Coluche, les Nuls… Cette forme d’humour demande beaucoup de travail, d’écriture, la langue française, l’observation du monde, et l’absurde. Et je crois que l’absurde est important pour rire de choses simples sans créer de scandale. Signé Furax c’est lui, l’émission est rediffusée en podcast sur Europe 1, en six semaines on a fait 600 000 vues !
Ses origines alsaciennes et ses actes de résistance sont moins connus…
Pourtant c’est la chose dont il était le plus fier. Ses grands-parents étaient juifs alsaciens, de Niederbronn, ils ont été expulsés d’Alsace après 1870 et se sont installés à Châlons-en-Champagne. Il considérait qu’il était très lié à l’Alsace : quand il est parti à la guerre de 14, c’était pour venger ses grands-parents. Puis il est devenu chansonnier et a créé les premières émissions radio d’humour. En 1943 il rejoint l’émission Les Français parlent aux Français à Londres. Le sondage de l’époque, c’est la consommation d’électricité : elle augmente quand Pierre Dac parle à la radio. Quand il a été attaqué par Philippe Henriot comme un juif qui a fui la France, il a répondu avec Bagatelles sur un tombeau, un texte étudié dans les écoles. Et quand il est revenu, il a eu la Légion d’honneur.


