Lire un premier roman, c’est accepter de s’aventurer en terre inconnue. Avec L’entroubli de Thibault Daelman, le pari est d’emblée attirant, ne serait-ce que par ce titre emprunté à Villon. Dès les premières pages, on comprend que ce territoire sera celui d’une voix à retenir : brute, vibrante, intensément sincère.
Le narrateur revient sur son enfance dans un petit appartement près de Paris, serré entre quatre frères, une mère débordante d’amour mais prompte à la colère, et un père mutique rongé par l’alcool. Rien n’est enjolivé. L’auteur choisit une langue directe, sans fard, comme un bouclier contre le chaos familial. C’est dans ce contexte heurté que surgit à 14 ans la révélation : devant un ordinateur offert par une tante, l’adolescent comprend que le verbe peut relever, reconstruire, ouvrir une brèche dans un monde où il ne trouve pas sa place. Écrire devient souffle, appui, possibilité d’un avenir.
Le roman se déploie par fragments, éclats de mémoire saisis au vol, presque palpables. Ces instantanés d’une vie cabossée composent une mosaïque sensible où chaque image semble affleurer au plus près de la peau. De cette langue qui s’ébroue naît une intensité fiévreuse : une énergie continue traverse le texte, comme une pulsation intérieure. Souple, dense, rythmée, l’écriture épouse les émotions, les rend immédiates, leur donne corps.
Dans ces pages, l’enfance apparaît fragile, les liens familiaux d’une complexité profonde, mais toujours traités avec une grande délicatesse. L’entroubli est un récit incarné, charnel, où les mots deviennent refuge et manière d’être au monde. Un premier roman vibrant, d’une maturité étonnante, à découvrir sans hésiter.



