Écrire la nouvelle Alsace, voilà l’obsession de bon nombre de citoyens engagés dans cette bataille contre le rouleau compresseur qu’est, à leurs yeux, le Grand Est. Selon toutes vraisemblances, le Président annoncera un changement pour l’Alsace dans les prochaines semaines. Mais lequel ? La fusion des deux départements ? La création d’une collectivité territoriale à statut particulier ? La sortie du Grand Est ? Cette dernière hypothèse, pourtant souhaitée par 67% des Alsaciens, étant la moins probable.
Lors de son passage en Alsace il y a un an, le Président avait promis de se pencher sur le dossier, il se disait conscient des problèmes, il avait même évoqué une évolution des départements à l’intérieur de la Région Grand Est.
Les services des deux départements, de la Région Grand Est et de l’État travaillent sur les contours de la future collectivité d’Alsace dont le gouvernement doit préciser la forme rapidement. Il y a un peu plus d’un mois, la Ministre Jacqueline Gourault avait rencontré l’ensemble des interlocuteurs pour « cheminer vers une collectivité ».
Au même moment, le député UDI Olivier Becht était l’un des rares à s’exprimer, en déclarant qu’une collectivité territoriale était indispensable pour contrer l’extrême droite aux élections départementales et régionales de 2021, il parlait d’une hécatombe si l’État ne bougeait pas. Alors ça va bouger, mais dans quel sens ?
Dans celui du naissant Mouvement pour l’Alsace, initié par le sénateur Reichardt et le député Hetzel (LR) qui souhaitent une collectivité territoriale à statut
particulier ? Pas certain.
L’Alsace dans le Grand Est, un problème de démocratie ?
Autre discours, mais qui va dans le même sens, celui de Jacques Schleef (Le Monde du 16/09) : « La réforme territoriale conduit à gommer l’identité alsacienne » déclarait l’animateur du Club Perspectives alsaciennes, l’un des organisateurs de L’appel des 100, avec Arsène Wenger, Simone Morgenthaler, Rodolphe Burger et bien d’autres comme Pierre Kretz (l’auteur de l’Alsace n’existe plus, rapport à la déclaration de François Hollande).
Pour l’écrivain, comme pour les signataires de L’appel des 100 pour une nouvelle Région Alsace, « le problème de l’Alsace dans le Grand Est, est un problème démocratique. Pierre Kretz s’appuie sur la condamnation de la France par le Conseil de l’Europe pour non-respect de la charte des collectivités territoriales. La démocratie, valeur universelle, est supérieure aux valeurs identitaires. Les Alsaciens ne veulent pas du Grand Est. C’est une catastrophe, un problème de démocratie qui génèrent frustration et rancœur. Les politiques sont sous pression, dès qu’ils sont quelque part, on leur parle de ça. On va en sortir,
ou alors c’est à désespérer d’être en démocratie ».
Pierre Kretz cite des géographes reconnus comme Jacques Levy et Gérard-François Dumont, qui reconnaissent que le Grand Est une « connerie » pour l’Alsace. Une connerie relationnelle, géographique, économique, historique. Les exemples pour illustrer cette « connerie » sont nombreux. Les opposants argumentent avec la loi NOTRe créée pour faire des économies, donner de nouvelles compétences et renforcer le poids des régions en Europe, alors que de petites régions, plus petites que l’Alsace, se portent très bien.
La Loi NOTRe oblige les fédérations associatives et sportives à fusionner, ce qui crée des problèmes d’organisation extrêmement décourageants pour les bénévoles obligés de faire multiplier les déplacements et de passer beaucoup de temps loin de chez eux.
Pour ceux qui refusent de se laisser glisser dans le Grand Est comme dans un grand bain chaud, les arguments se ramassent à la pelle, comme les feuilles d’automne.
André Reichardt et Patrick Hetzel sortent du bois
La majorité des élus alsaciens seront-ils encore pour le Grand Est, sans cohérence avec leur parti politique ? C’est l’une des grandes questions du moment avec l’annonce imminente de Macron.
Pour certains, il est évident que le président annoncera la fusion, mais une fusion pour la fusion, sans nouvelle compétence ou responsabilité n’intéresse pas grand monde. Une fusion avec un seul conseil départemental ne serait que provisoirement satisfaisante. Le but est de sortir du Grand Est, ce qui ne sera pas du goût des autres, en Lorraine ou en Champagne-Ardenne, qui préfèrent que l’Alsace reste dans le Grand Est.
On voit bien que pour les leaders politiques, il est délicat de se positionner clairement. Pourtant, le sénateur André Reichardt et le député Patrick Hetzel (directeur de campagne de Philippe Richert aux élections régionales de 2015…) sont sortis du bois, il y moins de dix jours, pour exprimer leur exigence immédiate d’une collectivité territoriale d’Alsace à statut particulier, sur la base de l’article 72 de la Constitution.
Une charte qu’il est possible de signer sur internet, mais surtout une initiative prématurée et préjudiciable aux négociations en cours selon certains. Le texte soutient le projet d’Eurocollectivité d’Alsace porté par Brigitte Klinkert et Frédéric Bierry, ainsi que les compétences revendiquées par les présidents des deux conseils en matière de développement économique, d’infrastructures, d’enseignement et de culture, transférés de l’État et de la Région.
En Alsace, les gens s’expriment
Comme l’indiquait l’article du monde du 16 septembre qui titrait « L’Alsace n’a toujours pas digéré son intégration dans le Grand Est », l’une des craintes du gouvernement est d’ouvrir la boîte de Pandore ; les autres territoires (Bretagne, Pays basques…) pourraient eux aussi s’engouffrer dans la brèche, ce qui pourrait « mettre à mal les principes fondamentaux de la République », a déclaré le Préfet Jean-Luc Marx que le Premier ministre Édouard Philippe a chargé d’une mission sur les évolutions institutionnelles possibles. Un rapport qui n’avait pas d’autre but que « de nous endormir » rappelle Pierre Kretz. Si l’on regarde les ressources subjectives d’un territoire, termes chers aux géographes, aucune autre région ne se mobilise de la même manière. « Les associations travaillent, les gens s’expriment, si ce n’était pas le cas, nous n’en serions pas là », conclut l’écrivain.
De son côté, le Président Macron devrait annoncer son choix et venir l’expliquer en Alsace début novembre. Pour écrire une nouvelle Alsace, il faut bien un premier chapitre.