Des lions, un lézard, un cerf, des silhouettes humaines, un citron et des arbres : après Le mouvement en 2023, la Biennale d’art contemporain s’arrête sur Le monde du vivant cette année. Trente-quatre œuvres, dont quelques-unes réalisées en direct dans les ateliers municipaux de Bischwiller, permettent aux habitants de s’interroger sur la relation de l’Homme avec la nature. « L’humain y a toute sa place, estime Claire Termanini, directrice de la culture et de la communication de la Ville. Même s’il est à l’origine de la disparition de la faune et de la flore, il la protège aussi. Et certaines sculptures le montrent ».
Sur le toit de la médiathèque par exemple, la meute de loups illuminés de Thomas Monin témoigne de leur passé glorieux mais aussi du futur avec leur réintroduction, « ils veillent sur la ville ». De même la tortue de Yoshikazu Goulven Le Maître au milieu de l’étang, « ce sont des matières recyclées pour redonner vie et donc espoir », explique-t-elle.

Prendre conscience du vivant
« Le choix du thème et des douze artistes entre dans la politique générale de l’environnement », la ville de Bischwiller applique depuis longtemps une vision éco-durable que « le geste de l’artiste rend joyeuse. Il n’y a rien de triste, mais plutôt une jubilation :
que veut dire l’artiste à travers les matériaux utilisés, les formes ou la lumière ? » interroge Claire Termanini. Patrick Lang redonne noblesse aux animaux disparus grâce au bronze ; Nicolas Schneider parle de migrations avec ses formes épurées et Winfried Becker, d’énergie avec ses lions en fonte d’acier ; René Dantes et ses formes ajourées donnent un autre point de vue sur le paysage ; les fruits géants de Bruno Fegger dominent la situation ; Daniel Depoutot et ses silhouettes désarticulées jouent entre terre et ciel; Sylvain Chartier et ses animaux métalliques patientent… Gaëtan Gromer a quant à lui reconstitué un arbre en bois mort « avec un circuit électronique qui bipe chaque fois que 7000 m² de forêt disparaissent dans le monde. Eh bien, il bipe beaucoup, note la directrice. La Biennale permet aussi de prendre conscience du vivant ».

Et justement, tout un chacun doit se sentir concerné. L’emplacement stratégique des œuvres, « sur les lieux de passage et les aires de vie font que les gens sont forcément confrontés » : non seulement l’accès à l’art et à la culture est facilité en extérieur, mais il permet aussi « un espace de réflexion et de réparation ». Les retours des habitants sont tous positifs, la preuve avec l’opticien qui a vue sur les sculptures de Rennertz : « C’est chouette, je suis ravi que ce soit devant ma boutique ! Même lorsque je cours, je m’arrête ». Si la mise en place des sculptures a pu être réalisée grâce aux services techniques de la ville depuis le mois de mars, reste encore à placer des QR codes sous chaque œuvre sur la vie et la démarche de l’artiste, et à organiser des visites guidées, pour les familles par exemple, avec une médiatrice, cet été.
Toutes les infos sur : www.bischwiller.com

Karl Manfred Rennertz en grand
Le « gros mammouth », selon les mots du célèbre sculpteur à la tronçonneuse allemand, ne passe pas inaperçu sur le parvis de la mairie : Karl Manfred Rennertz a le privilège—et le plaisir—d’exposer plusieurs objets à travers la ville. « Le tronc de séquoia est une sculpture en soi, avec une entaille comme d’autres ont des dorures. Sur une structure minérale, j’aime le contraste de l’or, du cristal », décrit-il. Lui qui a été un des premiers à sculpter à la tronçonneuse en 1972, s’en sert pour laisser « des marques » sur le bois, des stries parallèles comme pour témoigner du passage de l’Homme. Dans la même veine, trois sculptures dans du bois de robinier alsacien sont également disséminées dans les rues, elles ont été calcinées à Bischwiller à l’occasion de l’exposition. « Bronze, fer, métal, peinture, céramique, la faune et la flore sont représentées sous différentes formes, figuratives ou allusives », ajoute le commissaire d’exposition Germain Roesz. Il accompagne Rennertz aux ateliers municipaux, où un autre sculpteur, Pierre-Louis Penny, peaufinera son œuvre de pierre.