lundi 8 décembre 2025
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Frédéric Lenoir. La sagesse est dans sa nature

À 7 ans, dans une forêt baignée de lumière, Frédéric Lenoir a eu ce sentiment de ne faire qu’un avec le monde, il s’est senti relié aux animaux, aux arbres, à la nature. Plus tard, il a mis un nom sur cette plénitude : c’est une expérience de non-dualité en philosophie, ou d’amour universel, qui fait partie des 5 piliers de la sagesse, son dernier livre aux éditions Albin Michel. S’il a grandi en région parisienne, à la campagne avec ses frères et soeurs, il vit aujourd’hui en Corse où il poursuit sa quête de réponses aux grandes questions de l’humanité. Empreint de ses maîtres Edgar Morin, Emmanuel Levinas ou le Dalaï-lama, Frédéric Lenoir propose un regard transversal où tout un chacun peut tendre vers la sagesse, tel un art de vivre.

Y’a-t-il un héritage philosophique ou spirituel dans votre famille ?

Mon père était passionné de philosophie, à 13-14 ans, je posais plein de questions. Il m’a donné à lire Le banquet de Platon, j’ai lu tous les dialogues socratiques avant 16 ans. Puis je me suis intéressé en général à la philosophie grecque et au bouddhisme, et je me suis lancé dans des études à la fois de philosophie, d’histoire et de sociologie des religions.

Dans le but de transmettre ?

Déjà de comprendre, cela part d’une quête personnelle. Pourquoi on est sur terre, est-ce que la vie a un sens, comment avoir un bonheur profond et durable, comment réussir sa vie, toutes ces grandes questions… La philosophie est un art de vivre, c’est penser mieux pour vivre mieux. J’ai dirigé le magazine Le monde des religions, Les racines du ciel sur France culture, une maison d’édition, des chroniques, des documentaires, du théâtre, et écrit une cinquantaine de bouquins… Mais toujours autour de ces thèmes, la sagesse, la spiritualité.

Tout le monde peut-il devenir un sage ?

Personne n’est sage, ça n’existe pas, c’est un idéal. On tend à s’améliorer, être plus serein, lucide, conscient. La sagesse est une boussole, même le Dalaï-lama a encore plein de défauts, il est plus avancé, mais il tend vers la sagesse, et tout le monde le peut. C’est lié à un désir, ce n’est pas un objectif pour tout le monde. Certains vont plutôt avoir du plaisir à travers la nourriture, les relations amicales, réussir financièrement…

Mais cela peut changer, des gens à qui un jour il arrive un drame, accident, maladie, rupture, chômage, partent dans une quête philosophico-spirituelle. La sagesse, c’est la recherche d’une vie bonne et heureuse. Bonne cela signifie vivre selon le bien, rechercher le respect, l’amour, la bienveillance, l’altruisme. Et heureux, c’est être serein et dans la joie malgré les difficultés de la vie.

Les 5 pilliers de la sagesse, Frédéric Lenoir
Son dernier livre est paru en octobre. / ©DR

Vous avez trouvé cinq points communs entre les grands courants de sagesse du monde qui ont donné naissance au livre Les cinq piliers de la sagesse. Quels sont-ils ?

Le premier, c’est la connaissance : contrairement à la religion qui repose sur la croyance, la philosophie repose sur la raison. Il s’agit donc de développer une connaissance du monde, une observation de soi, une introspection, et en apprenant à se connaître, on sera plus heureux. Ensuite, il y a l’amour, l’idée que tous les êtres vivants sont reliés entre eux, l’amour universel traverse le monde et nous relie.

C’est ce que j’ai ressenti quand j’ai vu la beauté du monde à 7 ans, ou devant la naissance d’un enfant, ou un coucher de soleil, on sent une beauté, une bonté du monde. Le troisième, c’est l’éthique, les vertus et les règles que l’on se donne pour essayer de bien agir, donc le courage, la justice, la tempérance, la bienveillance, la tolérance, etc. Vient la présence : depuis 2500 ans, les sages nous disent « cueille le jour ».

Si on est tout le temps à ruminer le passé ou s’angoisser sur le futur, on ne sera pas heureux, il faut plutôt savourer l’instant présent et tous les petits plaisirs du quotidien. Dans le monde d’aujourd’hui, il faut faire attention à ne pas faire plein de choses en même temps, sinon on ne savoure rien. Le dernier, l’acceptation, ce n’est pas le fatalisme, il faut distinguer ce qui dépend de soi, de ce qui n’en dépend pas comme le dit Epictète.

Si je tombe malade, ça dépend de moi de me soigner, mais si j’ai une maladie incurable, on passe dans l’acceptation, c’est-à-dire ne pas subir ce qui est inéluctable, pour éviter la colère, la tristesse et la résignation. L’acceptation au fond c’est faire contre mauvaise fortune bon coeur, voir le positif de la situation.

« Personne n’est sage, ça n’existe pas, c’est un idéal. On tend à s’améliorer, être plus serein, lucide, conscient »

En plus d’exercices pratiques, vous illustrez de petits dessins avec un chat : vous qui militez pour le bienêtre animal, est-ce un modèle à suivre ?

Complétement ! Moi j’ai deux chats, j’en ai toujours eu, ce sont des êtres très indépendants, libres, et autonomes. Leur bonheur ne dépend pas uniquement des câlins de leur maître. Et les chats s’occupent bien de leur corps, se détendent, ils cherchent partout les choses qui leur font du bien. Et en même temps ils savent donner, quand on a mal, ils viennent sur nous…

Vous êtes souvent appelé comme témoin, est-ce que le monde d’aujourd’hui a besoin du regard du philosophe ?

Oui, le philosophe c’est celui qui essaie de prendre du recul, il remonte le fleuve à contre-courant : ne pas suivre les injonctions sociétales, culturelles de l’époque et se demander ce qui est bon pour l’humain. Cette réflexion, il faut l’avoir face au défi écologique, l’IA, les injustices, le consumérisme, les réseaux sociaux, les addictions… Cela fait plaisir et nous apporte des choses, mais quelles sont les menaces et comment rester libre ?

www.fredericlenoir.com

www.lamaisondessagesses.com


Repères

  • 1962 : Naissance à Madagascar, où son père était haut-fonctionnaire.
  • 1987 à 2025 : Publie une cinquantaine d’ouvrages vendus à 10 millions d’exemplaires.
  • 2013: Cosigne la pétition de la Fondation 30 millions d’amis pour amender le code civil : les animaux passent de « bien meubles » à « êtres vivants doués de sensibilité » en 2015.
  • 2017 : Publie Lettre ouverte aux animaux et crée l’association Ensemble pour les animaux
  • 2016 : Cocrée l’association SEVE (Savoir être et vivre ensemble) : 7000 animateurs formés aux ateliers scolaires de philo .
  • 2024 : La maison des sagesses, cours de philo en ligne, séminaires et colloques qui donnent naissance au livre Les cinq piliers de la sagesse.
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