Au commencement, le petit Alain—de père capverdien qu’il a perdu à 7 ans, et de mère haguenovienne—était timide. Ado, il s’intéresse à la généalogie, et pose « beaucoup de questions sur les ancêtres de [sa] grand-mère originaire de Seltz ».
C’est donc « le destin » qui le dirige vers l’accueil de la mairie de Haguenau : après des études de compta, il y entre en stage. « J’avais 19 ans, je devenais tout rouge dès que quelqu’un entrait », se souvient celui qui en a aujourd’hui 57, dont 37 de carrière.
« La personne la plus âgée que j’ai connue était née en 1889. À l’époque, on remplissait l’état civil manuellement », sourit-il. Des documents de naissance, mariage, décès, permis de chasse, sorties du territoire, il en a vu ! Et il « continue à dépanner des gens, ils m’écrivent pour tout, un passeport urgent, de l’eau jaune… Il faut être humain quand on travaille dans le service public, et psychologue parfois. Un sourire rend un sourire ».

La médaille de la ville de Miami
Si Alain connaît l’arbre généalogique de nombreux concitoyens, pour le sien, il est remonté jusqu’en… l’an 400 ! « J’ai de la chance, mes ancêtres sont nobles et les registres royaux sont conservés. » En « famille » avec les Kennedy, il a aussi trouvé un couple de 1650 à Durrenbach, et compte inviter leurs 200 descendants à un repas… Ami avec Harry, « un chimiste né en 1912 qui a travaillé avec Einstein », ou avec « un boulanger alsacien devenu shérif en Floride », Alain hérite ainsi d’objets : une boîte de formules chimiques, la médaille de la ville de Miami… « Je suis un archiviste, il me faudrait un appartement pour tout caser », reconnaît-il, lui qui collectionne aussi les photos dédicacées.

Pamela Anderson, Patrick Swayze, l’actrice Hélène Duc (Tanguy), Doc Gyneco, les sœurs Williams, « je ne reconnais pas le gamin casanier du collège, concède-t-il. Quand je vais à Hollywood, je sonne aux portes, ça ne se fait pas, mais je me déplace de Haguenau quand même ! Peter Falk m’a ouvert, et j’ai pu visiter les studios d’Autant en emporte le vent ». Alain en est à son dixième voyage aux États-Unis, plus le Sénégal, Dubaï, Paris… « La vie passe vite, il faut faire ce qu’on aime. Quand j’ai commencé à l’accueil, Mme Flick, 80 ans, m’a dit «profitez». Elle avait raison, je vois passer la troisième génération de Haguenoviens ».