Maxi Flash : Éclats de vie tourne depuis longtemps, comment est-il conçu ?
Jacques Weber : J’avais une trentaine d’années la première fois, j’en ai 72 aujourd’hui, ça fait beaucoup de représentations ! C’est très hétéroclite, je fais sonner des collages de textes qui racontent des joies et des angoisses, tout ce qui se partage. La conversation avec le public est emphatique et joyeuse, c’est une rencontre dans un théâtre à hauteur d’homme, il n’y a pas de sacralisation. Je ne dis même pas de qui sont les textes, comme ça les gens ne sont pas intimidés.
De quelle vie parle-t-on ?
Le titre est polysémique, de la vie en général, la vie plurielle que l’on connaît tous, même si on a des perceptions contrastées. Et sans aucun doute de la mienne, de mes mémoires, mes amours, mes coups de foudre littéraires ou en chansons. De fragments de vie, peut-être la mienne, ou la vôtre… De par mon métier, j’y ajoute des anecdotes, j’improvise, les gens adorent cette déstabilisation.
Cinquante ans de carrière, c’est impressionnant…
Ah j’en ai plus derrière que devant moi, mais l’âge n’empêche pas la rébellion, je suis toujours consterné et furieux contre les grands dégâts du monde et contre les politiques, les marchands du temple. D’un autre côté, je suis aussi plus apaisé, mon regard est plus ouvert sur les choses, les gens, la nature. Je me donne plus le droit au rêve, à la contemplation. J’ai conscience que j’ai une permission noble d’entrer en scène, je sais un peu mieux que c’est un art extrêmement difficile et exigeant.
François Florent a été votre maître. Le célèbre fondateur du cours Florent est décédé fin septembre à 84 ans, il était né à Mulhouse et y revenait souvent, quel souvenir gardez-vous de lui ?
J’ai été le tout premier à fréquenter son cours municipal, il avait 24 ans… Il a vu toutes les générations d’acteurs, c’était une mémoire vivante du théâtre. Ces derniers temps, quand il était en Thaïlande, on s’écrivait de grandes lettres sur le monde, l’art, le métier, la vie. Sa dernière lettre finissait par « N’oublie pas que c’est la dernière ligne droite de la vie. À toujours ».
Que connaissez-vous de l’Alsace ?
À une époque, j’étais extraordinairement heureux de m’arrêter à Strasbourg, c’est une ville européenne et ancestrale, belle et vivante. Moi j’aime bien marcher et me perdre, loin des cars de tourisme. Mais la choucroute est très dangereuse : c’est mon plat préféré, or là je dois perdre mon poids d’ogre après Le roi Lear… Je n’espère qu’une chose, c’est que mon spectacle ne finisse pas trop tard pour aller dévorer une choucroute !