lundi 31 mars 2025
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Herbert Léonard – Une voix en or et l’enfance au cœur

Herbert Léonard parlait volontiers de son enfance alsacienne dont il disait qu’elle fut « pauvre, mais heureuse ». Elle lui a donné le meilleur des terreaux pour avancer dans la vie, encaisser les revers, savourer la gloire, en cultivant l’humilité et la gentillesse.

Le Strasbourgeois décédé le 2 mars dernier aimait l’Alsace et aussi sa langue maternelle qu’il ne pratiquait plus, mais qu’il comprenait parfaitement. « Laissez-moi deux jours et je reparlerai couramment », m’a-t-il dit en mai 1995 lorsque je l’ai rencontré pour enregistrer une émission de la série Zuckersiess.

Il avait un réel plaisir à parler de son lieu de vie, la place Sainte-Aurélie, dans le quartier de la gare. Il y a grandi avec des parents aimants, Sophie et Antoine. Parmi les photos touchantes en noir et blanc qu’il avait apportées, plusieurs le montraient dans les bras de sa maman, dont il a dit qu’elle était une « mère poule et une femme admirable ».

Herbert dans les bras de sa maman, Sophie, place Sainte-Aurélie à Strasbourg. / ©INA

Son père, originaire de Brumath, venait d’une famille paysanne. Il exerçait le métier d’éboueur, un métier risqué en ce temps-là. « Il a failli mourir plus d’une fois, car le travail consistait aussi à entrer dans des fosses à purin, avait précisé Herbert, ajoutant : Nous recevions peu de cadeaux, mais nous étions heureux. Pour m’offrir le vélo qui figure sur une photo, mes parents se sont saignés ».

Herbert avait une sœur de dix ans son aînée, qui est morte jeune d’un cancer. Tous deux s’adoraient. « Le dimanche, nous mettions nos beaux habits et nous marchions dans la ville. En automne, à l’époque du « messti », nous allions tous les quatre à la Krutenau. Les restaurants y proposaient du rosbif de cheval, qui étaient servis avec des frites, des spätzle et de la salade de pommes de terre. » Parmi ses souvenirs fondateurs figuraient aussi les Noëls avec le sapin dans l’appartement et les saveurs des Bredle de sa maman. Au printemps, elle préparait des tartes à la rhubarbe, son dessert préféré, surtout lorsqu’il était fait sans meringage.

Herbert avec son vélo, un cadeau aimé qu’il a gardé très longtemps. / ©INA

Il a aimé le foot toute sa vie. « Mon père était un frappé du foot, disait-il, il tenait des registres avec les dates de matchs et les noms des joueurs des équipes du monde entier. »
Durant ses premières années d’école, Herbert Léonard était un élève moyen. Et il a fait la rencontre d’un maître d’école qu’il a aimé, Monsieur Martzloff, qui a tant su le motiver qu’il devint un bon élève.

À 16 ans, la musique l’a rattrapé. Il devint guitariste et choriste du groupe les Jets, fut embarqué par Les Lionceaux, groupe déjà réputé qui passa par Strasbourg, et, qui après l’avoir entendu chanter, en fit son chanteur. Herbert Léonard avait une voix soul. Il aimait le blues, il avait le rythm’n blues dans la peau et une admiration sans bornes pour Otis Redding, perceptible dans sa chanson Quelque chose en moi qui le propulsa au-devant de la scène en 1968, lui faisant assurer la première partie de la tournée internationale de Sylvie Vartan. Lorsqu’il a chanté à l’Olympia, sa maman, devenue veuve, s’était rendue à Paris pour l’applaudir.

Herbert et ses parents. / ©ina

Son fulgurant début de carrière fut stoppé net deux ans plus tard lorsque sa voiture s’encastra sous un camion. « J’étais totalement défiguré. Je me souviens de l’horreur ressentie lorsque je me suis vu dans un miroir. J’avais pendant un an le visage de Frankenstein. Je ne sortais plus. Je suis entré en dépression. » S’il a réussi à s’en sortir, c’est grâce à l’amour de Cléo, sa femme, une chanteuse rencontrée en 1967 par l’entremise de Ronnie Bird. Elle a donné naissance à leur fille Eléa en 1973. Le couple restera soudé pendant 58 ans « jusqu’au bout ».

Durant sa traversée du désert, Herbert a appris l’humilité, une vertu qui était déjà sienne et qu’il a développée. « Ma passion des avions militaires m’a aidé à survivre. Je suis devenu journaliste pour la revue Aviation Magazine. » Il était un spécialiste des avions de chasse russes et soviétiques de 1915 à 1950 sur lesquels il publia un livre aux éditions Heimdal. « J’ai réalisé qu’il n’était pas nécessaire d’être connu pour être heureux, et j’ai aussi réalisé qu’il suffisait de développer une passion pour en devenir un spécialiste respecté. L’idée de revenir dans la chanson ne m’effleurait absolument pas. », disait-il.

Herbert dans l’émission Sür un siess sur France 3 Alsace en juin 1996. / ©INA

Dix ans avaient passé sans qu’il remonte sur scène lorsque Vline Buggy, parolière de nombreux tubes, l’incita à rechanter. Elle lui fit rencontrer Julien Lepers, animateur sur Radio Monte Carlo, qui n’était pas encore le présentateur de la série télévisée à succès Questions pour un champion. La musique accrocheuse alliée aux paroles de Vline Buggy donna Pour le plaisir, vite disque d’or et qui se vendit à 1,5 millions d’exemplaires. Christian Daniel fit de ce tube le titre de sa série d’émissions diffusées sur France 3 Alsace de 1983 à 1989. Herbert en fut le premier invité et y reviendra souvent.

Il enchaîna pendant vingt-cinq ans des succès dans un répertoire de chansons tendres et romantiques. Lorsque je l’ai rencontré en 1995, il venait de sortir un cd avec la chanson Je serai fou de vouloir l’oublier dont il était avec fierté le compositeur et qu’il a chantée dans l’émission.

Pour le plaisir, le tube de 1981 vendu à 1,5 millions d’exemplaires. / ©dr
En 1970, une collaboration talentueuse mais peu reconnue avec Gérard Manset. / ©dr

Herbert Léonard considérait qu’être « charmant et gentil » était une qualité et il souhaitait même qu’on retienne cela de lui lorsqu’il ne serait plus là. Et puis il a fait cette confidence : « Mon père était si heureux de l’arrivée en Normandie des Américains, des Britanniques et des Canadiens qu’il m’a conçu. Je suis né le 25 février 1945 à 16h10. Remontez neuf mois en arrière et vous arriverez en juin 1944. Je suis en fait un enfant du Débarquement. »

L’émission Sür un siess évoquée dans l’article fut diffusée le 17 juin 1995 sur France 3 Alsace et elle est conservée par l’INA.
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