mercredi 12 novembre 2025
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Jean-Luc Hoffmann – Un artisan au service des artisans

Présent tous les jours entre 4 et 5h du matin à la boucherie-charcuterie de Haguenau, Jean-Luc Hoffmann se dit sur tous les fronts, puisque son rôle de président de la Chambre des Métiers d’Alsace (CMA) lui demande aussi d’assurer des représentations et des réunions au nom des métiers de l’alimentation, du service, du bâtiment et de la production. Puis il est de retour le soir pour saluer la trentaine de ses collaborateurs. Apprenti en 1981, il a repris l’entreprise familiale en 1998 et à 59 ans, se voit la transmettre ainsi que son savoir-faire et ses recettes dans les prochaines années. De la formation à la transmission ou création d’entreprise, la main-d’œuvre qualifiée, c’est l’exigence de tout artisan inscrit à la CMA. Au gré de la conjoncture, le président fait le point avant les municipales de 2026 pour lesquelles dix points clés ont été proposés aux candidats.

Vous avez pris le relais de Bernard Stalter à la tête de la CMA en 2020 et serez élu jusqu’en 2027. Comment décririez-vous votre apport personnel ?

Avec les élus de la Chambre des métiers, nous avons axé notre mandat sur la formation. Les chiffres et les témoignages d’artisans ont confirmé qu’ils peinaient à recruter. Donc on a ciblé les offres de formations, concrètement plus courtes, la CMA a acheté un bâtiment à Mulhouse pour s’agrandir, et dans les deux centres avec Eschau, elle a continué à investir dans des machines-outils performantes, qui soient le miroir de ce qu’un jeune peut trouver dans une entreprise, pour qu’in fine, il soit employable à sa sortie de formation.

Il y a cinq ans, dans votre dernière interview à Maxi Flash, la CMA représentait 35000 entreprises, aujourd’hui elle est au service des 54000 artisans. C’est un bond énorme !

Effectivement, le bond est énorme, mais il est en trompe-l’œil. Aujourd’hui, sept à huit entreprises sur dix qui se créent sont des entreprises personnelles, des micro-entreprises. C’est un vrai sujet, parce qu’on a 25% de chefs d’entreprises qui ont 55 ans ou plus, donc dans les dix prochaines années, 25% des entreprises artisanales seront à reprendre, et leur savoir-faire et leur expérience aussi. Une entreprise qui se crée n’a pas forcément de savoir-faire, donc la pérennité du métier ou de la marque est en jeu. Pour qu’on puisse transmettre une entreprise aujourd’hui, il y a la volonté du chef d’entreprise, mais aussi du monde bancaire où on fait face à une frilosité, le coût de l’emprunt qui est plus élevé… La CMA a aussi des batailles à mener auprès des organismes de crédit pour que des jeunes puissent reprendre.

L’inauguration du sixième laboratoire de boulangerie-pâtisserie à Eschau a permis de présenter les lauréats régionaux des Meilleurs apprentis de France en pâtisserie. / ©DR
Les crises se suivent, sanitaire, économique, énergétique… Quelle est la situation au niveau du tissu artisanal actuellement ?

La situation économique reste fragile, parce qu’un chef d’entreprise n’aime pas l’incertitude, voyez au niveau gouvernemental, ça change beaucoup. Le contexte dit que la croissance est modérée, les défaillances plus ou moins stabilisées, mais des signaux d’alerte sont tout de même persistants. Quand l’épargne est record auprès des clients, ça veut dire qu’il y a une baisse d’activité, qui crée une capacité de remboursement moindre, et moins de chiffre d’affaires pour les entreprises. Secteur par secteur, dans le bâtiment, les carnets de commandes sont en baisse—avec l’incertitude sur ma Prim’rénov— ; dans l’alimentaire, la consommation baisse, le chiffre d’affaires des boulangers et des bouchers aussi ; sur les services, la coiffure est en crise à cause de la concurrence déloyale des barber shops ; dans l’automobile, les ventes de véhicules neufs chutent et par cascade, moins de voitures sont à réparer et les moteurs électriques ne s’entretiennent pas de la même manière. Un quart des entreprises juge la situation préoccupante. Et les intentions de recrutement aussi sont en train de chuter, 13,4% en moins. Enfin on s’attend à un nouveau choc énergétique et à l’augmentation des coûts de l’énergie…

Devant cette situation, comment la CMA vient-elle en aide aux entreprises ?

On a mis en place beaucoup de nouvelles formations et nous sommes en alerte de difficulté d’entreprises. Souvent un chef d’entreprise qui dit avoir des difficultés financières le fait de façon tardive, par pudeur ou par honte, alors que c’est plus la conjoncture qui amène la difficulté que son manque de capacité. En 2025, nous avons accompagné 68 entreprises, un chiffre largement en hausse. On les aide à se restructurer, on fait des formations sur l’IA, sur la capacité de répondre à des appels d’offres publiques… D’une manière générale, on accompagne l’entreprise tout au long de sa vie, sur les problématiques RH ou RSE, pouvoir se verdir, être plus efficiente avec des actions simples.

Le 16 octobre, les Meilleurs apprentis de France 2025 ont reçu leurs médailles à l’Hôtel de ville de Strasbourg. / ©DR
Parallèlement ces solutions font partie des propositions aux candidats aux municipales de 2026…

C’est une première en France, je pense : les chambres consulaires, c’est-à-dire la Chambre d’agriculture, la CCI et la CMA, ont travaillé sur dix mesures transmises aux candidats partout en Alsace pour pouvoir influer et continuer à soutenir l’économie locale. Quand un maire met des plots de béton devant une boulangerie, c’est mille passages en moins par mois, mon rôle est d’intervenir auprès du maire ! On a 880 communes en Alsace, combien voudraient avoir des commerces de proximité, pour garder non seulement une économie locale mais également un lien social et un lieu de rencontre entre les habitants ?

Parmi ces 10 points (lire encadré), y a-t-il un ordre de priorité ?

Non, c’est un état d’esprit à avoir, et surtout l’état d’esprit de garder l’économie sur un territoire. Nous faisons partie du monde économique, et avons besoin de nous sentir aimés par les décisionnaires, de nous sentir soutenus, de travailler main dans la main. Par exemple, on voit des enseignes nationales qui s’installent et font une concurrence déloyale aux boulangers, un maire doit pouvoir dire, «Non je ne veux pas des pâtons congelés alors que mon boulanger se lève la nuit pour faire du pain frais !» Le boulanger, c’est l’entreprise dans laquelle il y a le plus de passage chaque jour en France.

Avez-vous eu des retours de candidats, qu’en disent-ils ?

J’ai échangé avec certains, les listes sont en train de se constituer. J’appelle aussi le plus d’artisans possible à entrer dans les conseils municipaux pour influer eux-mêmes sur leur territoire. Cela fait partie d’une vie citoyenne, qu’ils se munissent de ces propositions et voient de quelle manière elles peuvent être mises en place dans leur commune.

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