Racontez-nous votre parcours…
Mes parents faisaient du transport par voie d’eau. Jusqu’à l’âge de 23 ans, je suis allé partout où il y a de l’eau sur une péniche qui contenait dix semi-remorques. Mon père n’a pas voulu que je fasse des études, il voulait que je reste avec lui sur la péniche, mais je ne me voyais pas toute ma vie là-dedans. J’ai fait une formation d’aide-comptable, mais je n’ai jamais exercé. Après, j’ai bossé pendant 16 ans pour l’Armée française en Allemagne, j’étais acheteur technique pour des pièces de rechange. Puis, j’ai connu le chômage. J’ai fait plusieurs formations qui n’ont débouché sur rien et je me suis retrouvé en fin de droit. J’avais 40 ans, je n’avais pas de plan B. J’ai quand même bossé comme saisonnier pour Kronenbourg grâce à du relationnel et j’ai refait une formation technique qui ne m’a pas vraiment servi. J’ai fini comme opérateur sur une machine qui découpe du papier avant de prendre ma retraite à
67 ans. En tout, j’ai passé 5 ans au chômage.
Et vous avez été président de l’association de chômeurs et précaires ABCDE…
Au départ, en 1986, c’était un groupe qui se réunissait à Haguenau dans les locaux de la CFDT. C’était des syndicalistes qui voyaient que le chômage augmentait et qu’il fallait faire quelque chose, c’était des précurseurs. En général les syndicats s’occupent des salariés, pas des chômeurs, ce sont des besoins spécifiques. En 1998, c’est la création d’ABCDE que j’ai rejoint un peu plus tard. Quand j’étais au chômage, je me suis toujours dit que si un jour je pouvais donner un coup de main à quelqu’un je le ferais. J’étais simple membre, et je suis devenu président pendant une dizaine d’années.
Le principe de l’association ?
C’est de faire avec, pas à la place de… C’est pas « tu as un problème je m’en occupe », c’est « on a déjà connu ça dans l’association tu peux voir avec machin ». Ça fonctionne sur le principe de l’entraide et de la solidarité, le partage d’expérience. Le groupe de Haguenau continue de fonctionner et se réunit tous les mois. Pour adhérer, vous pouvez être en activité, chômeur ou retraité, on accepte tout le monde, on ne fait pas de différence entre les gens, c’est un principe de base.
Que pensez-vous des nouvelles dispositions du décret sur l’indemnisation du chômage ?
Depuis le premier novembre, les règles ont changé, 300 000 personnes en France n’ont plus d’indemnités. Et ça, c’est que le début. En ce qui concerne les droits rechargeables, avant il fallait travailler un mois et 150 heures, maintenant c’est 6 mois et 910 heures. Ce qui veut dire que le droit au rechargement n’existe plus. C’est la réalité du terrain. Étant donné que la durée d’un contrat de travail est de moins d’un mois, pour avoir 6 mois c’est la croix et la bannière quand on enchaîne les petits contrats. En fait, on fabrique une nouvelle génération de pauvres, l’année prochaine le département va pleurer, car il y aura beaucoup de gens au RSA, et l’on dira que le chômage a baissé, c’est de l’enfumage…
Et que faites-vous ?
Si les gens concernés par ces mesures viennent nous voir, on peut les regrouper et protester. Nous avons chaque trimestre une réunion avec Pôle emploi. Cela serait formidable de trouver de nouveaux adhérents. Évidemment, la cotisation est au niveau des moyens, on ne demandera rien à quelqu’un qui n’a rien.