Il y a quelques jours, ma voisine m’a invité à boire un verre chez elle. Lorsque je suis arrivé, elle écoutait la musique du film Un homme et une femme, chabadabada, chabadabada, encore une fois bada bada… «Je suis triste, Trintignant est mort», elle m’a dit en me servant un martini. Dès que j’entends cette chanson, chabadabada, j’ai les images dans la tête, celle de la nuit dans le film de Lelouch lorsque Jean-Louis conduit sous la pluie « C’est formidable, une femme qui vous écrit je vous aime… », celle de la plage de Deauville bien sûr, les appels de phares de la Ford Mustang. Je pense aussi à la chanson de Vincent Delerm, « C’est un peu décevant Deauville sans Trintignant… ». « C’est la vie que je trouve amère sans Trintignant, tellement il en a fait partie » m’a dit ma voisine avec sa façon d’articuler les mots, ses yeux, ses films qui ont marqué nos existences, comme Ma nuit chez Maud. Quelle beauté, vous ne trouvez pas ? Elle m’a vouvoyé façon Anouk Aimé. Ma voisine a posté une photo sur son Instagram, Au revoir Jean-Louis, comme si elle le connaissait, comme s’il était un proche, et finalement, c’est cela un grand Homme, quelqu’un dont on entend la voix quand on y pense. Comme Simone Veil (dont il est question dans ce numéro de Maxi Flash), Belmondo, Tomi Ungerer… et l’écrivain alsacien René-Nicolas Ehni. « Qui ? Connais pas », m’a répondu ma voisine ! Je lui ai annoncé que l’auteur de La gloire du vaurien était décédé. Elle m’a regardé comme si c’était moi le vaurien. C’est un peu décevant la vie sans Ehni, j’ai ajouté pour le bon mot, elle a terminé son martini et j’ai compris qu’il était l’heure de partir. Ma nuit chez ma voisine, ça sera pour un autre jour. Ça me turlupine un peu, la vie sans ma voisine.