vendredi 22 novembre 2024
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Lev Fraenckel – Faire de la philo une star sur les réseaux sociaux

Lev Fraenckel, alias Serial Thinker sur les réseaux sociaux, est un professeur strasbourgeois qui a trouvé la recette magique pour rendre la philosophie ludique. Il publie des vidéos qui vulgarisent les principales notions de ses cours sur TikTok et YouTube. Celles-ci font le buzz sur la toile depuis des mois, alors Maxi Flash est allé bavarder avec le savant moderne pendant l’un de ses tournages… Action !

Éclairages dignes d’un plateau télévisé, caméra et prompteur (même un très bon orateur doit protéger ses arrières…), ça métamorphose le quotidien classique d’un prof de lycée !

Lev Fraenckel : Oui, j’enseigne la philo depuis une dizaine d’années, mais je voulais trouver une manière alternative d’expliquer pour donner envie aux élèves d’apprendre. J’ai ressenti une forme de pesanteur du système scolaire, de l’institution, et je me suis demandé comment je pouvais faire pour changer la donne. Alors j’ai commencé à publier des vidéos sur TikTok pour optimiser les révisions pendant le bac. J’y présente des notions en faisant des références à la pop culture, par exemple J. Dahmer avait-il le choix de devenir un serial killer ? Ou Mbappe mérite-t-il son salaire? Le concept a cartonné donc je me suis mis en disponibilité cette année pour me consacrer à ces nouveaux projets.

Pourquoi avoir choisi la philo et pas les maths ou le français ?

LF : Je me pose des questions existentielles à n’en pas dormir la nuit depuis mon enfance. Est-ce que le monde est infini, est-ce qu’il y a une cause de toutes les causes ? Gamin, je n’avais pas identifié que c’était de la philo, je pensais que j’étais un gars bizarre taraudé par des interrogations qui emmerdaient mes copains. À 14 ans, ma mère m’a offert le livre Le monde de Sophie que j’ai dévoré et qui m’a fait réaliser que d’autres se posaient des questions et que ça avait du sens. À l’école, on apprend les maths, on utilise les formules logiques de vérité, mais on ne demande pas ce qu’est la vérité, on étudie la biologie sans penser à ce qu’est le vivant. Pour moi la philo, c’est aller au fond des choses, et donc questionner le fondement de toutes les disciplines pour s’y intéresser.

Est-ce que vous considérez que votre matière a mauvaise réputation ?

LF : Oui, les élèves pensent souvent que les notations sont subjectives, mais il faut qu’ils s’enlèvent ça de la tête parce qu’il y a des critères très objectifs : est-ce qu’il y a une problématisation, un plan, des références… En parallèle, cette matière est associée à une personnalité, celle d’un professeur qui incarne la leçon toute la scolarité, il définit généralement si on va aimer ou non la philo pour le reste de sa vie !

Justement, que pensent vos collègues enseignants de votre initiative ?

LF : C’est assez étrange, certains se sentent en rivalité avec ce que je publie sur les réseaux, ce sont des profs qui ont une vision à l’ancienne, ils sont récalcitrants et ils n’ont parfois que vingt ans, mais sont déjà vieux dans leur tête. Pendant le baccalauréat, certains ont retrouvé des références à mes vidéos dans les copies des lycéens qu’ils corrigeaient. Une partie d’entre eux a trouvé ça génial, mais d’autres étaient frustrés que les élèves mémorisent mieux mes TikTok que leurs cours. Moi, tout ce que je retiens, c’est que c’est pour le bien de l’étudiant, qu’il va chercher l’info par lui-même et qu’il s’intéresse vraiment.

Lev Fraenckel alias le Serial Thinker – le penseur en série – des réseaux sociaux ! / ©Documents remis
Est-ce que ça veut dire que l’on peut obtenir son bac de philo grâce à vos contenus ?

LF : Je pense qu’il ne faut pas miser que là-dessus, c’est un peu jouer à la roulette russe, il faut quand même écouter son prof. Mais ça peut être complémentaire pendant les révisions ! Ma plus grande satisfaction, c’est d’avoir des retours d’élèves qui n’aimaient pas cette matière avant de découvrir ma chaîne et qui ont eu de super notes au bac parce que cette nouvelle approche les a débloqués. Un enseignant qui reçoit des compliments de ses élèves, ce n’est pas si courant…

Jean, t-shirt basic et converses, est-ce que c’est votre dresscode dans la vraie vie ?

LF : (Éclat de rire) Oui ! Je n’aime pas trop les chemises… C’est galère à repasser !

Dans un de vos montages, vous racontez la funeste fin de Socrate, condamné à mort parce qu’il remet en question la religion dans la civilisation grecque. Comme vous enseignez aussi au département d’études hébraïques de l’Université de Strasbourg, quel est votre point de vue sur le culte, êtes-vous un Socrate des temps modernes ?

LF : Question compliquée pour moi, car j’ai grandi dans une famille très religieuse… Socrate s’est moqué avec ironie d’un prêtre et a remis en question les sacrifices et sa routine religieuse, il a été condamné, car accusé de ne pas croire aux dieux et donc à la cité. J’estime qu’on peut critiquer la religion en tant que croyance, mais je pense qu’il y a des choses extrêmement intéressantes dans TOUTES les religions et il faut s’intéresser aux textes parce qu’ils sont fondateurs de nos civilisations. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas ces convictions qu’on ne peut pas les considérer d’un point de vue philosophique.

Comment envisagez-vous votre avenir avec la philo ?

LF : Je vais continuer les vidéos pédagogiques, je tourne dès que j’ai du temps et des idées avec un de mes anciens élèves, Simon, qui a ouvert sa boîte de production, Wolfdog. En parallèle je développe des partenariats, vous ne me verrez pas vendre des produits blanchissants pour les dents, mais cette année j’ai plusieurs collaborations… Notamment un livre aux éditions Hachette que je suis en train de finir : Le bac philo en mode Serial Thinker. Il sortira en avril, juste avant le bac, pour permettre à tous les étudiants de terminale de réviser le programme revisité à la sauce Serial Thinker avec des références pop et classiques pour briller dans les copies !


 

Pour la petite histoire

Avant de tomber dans la marmite à pensées, Lev a été comptable, un revirement à 180° : « Il y avait trop peu de débouchés en philosophie, 30 postes pour 1000 candidats… Mais à 24 ans, j’ai finalement décidé que, si je ne voulais pas finir aigri, il fallait changer et faire ce qui me plaît. Mon premier cours de philo à l’université m’a fait réaliser que c’est là que j’aurais dû être depuis toujours et je me suis dit que je verrai bien si j’arrive à en vivre ! »

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