Maxi Flash : Professeur Pinget, quels sont les objectifs du CEED et du livre ?
La recherche est l’activité prédominante du centre, au plus près des besoins des patients et des médecins. C’est une structure totalement privée et indépendante de l’industrie pharmaceutique. Ensuite vient la prévention, le plus important et le moins bien fait aujourd’hui. Un autre volet concerne la formation et la transmission du savoir, comme avec le livre. En dehors des grands spécialistes, il s’adresse à toute personne qui veut en savoir plus sur le diabète et peut trouver dans des termes simples ce qu’il veut, en allant chercher un chapitre en particulier. L’idée était de faire l’intermédiaire entre la grande vulgarisation (manger du sucre, ce n’est pas bon) et le côté technique.
L’OMS parle de pandémie de diabète. Qu’en est-il ?
Schématiquement, on a d’un côté les maladies aiguës infectieuses, pandémiques (c’est-à-dire une épidémie au-delà d’un seul pays, censée à un moment se terminer) et liées à un agent pathogène ou virus. Ce sont les maladies qui ont tué au 18e-19e siècle, comme la grippe espagnole. Et de l’autre côté, il y a les maladies chroniques (diabète, asthme, hypertension, dépression, cancer, cholestérol, bronchite…) qui durent et sont traitées longtemps, qu’elles soient curables ou pas. Aujourd’hui, nous sommes dans une transition épidémiologique, les maladies aiguës s’effondrent parce que les enfants sont protégés complètement, et les maladies chroniques explosent parce que le monde change. Ce sont des maladies de civilisation, et la percussion entre notre équipement génétique qui ne bouge pas et notre mode de vie qui évolue a fait apparaître des maladies chroniques.
Les chiffres sont alarmants…
Les maladies chroniques sont la première cause de décès sur la planète avec 44 millions de morts par an, soit 70%. Par rapport à la covid, on est dans une autre dimension, complètement méconnue ! Elles représentent aussi 80% des coûts de la santé. Le diabète a coûté 725 milliards de dollars à l’échelle mondiale, alors qu’en 2009, c’était 325 Md. En France, on est à 19 Md de dollars. Le diabète n’a certes pas le côté spectaculaire et brutal des maladies aiguës, mais je pense qu’on est en train d’aller vers des pandémies chroniques en 2050. On voit que le Covid devient une maladie chronique puisqu’il est lié à la mobilité, aux facteurs environnementaux, il touche plus certaines ethnies que d’autres : les maladies aiguës prennent des caractéristiques chroniques. Le 21e siècle sera le siècle des pandémies de maladies chroniques, qu’elles soient infectieuses ou non.
Et en Alsace ?
En France, pour commencer, on estime la prévalence à 8%, soit 5,3 millions de personnes diabétiques en France. Il y a une grosse différence entre le grand Nord-Est et le Sud-Ouest, du simple au double. Ce sont avant tout les 65-80 ans qui sont concernés, mais l’âge avance progressivement vers les 35-50 ans, et on commence tout doucement en France à voir des enfants qui ont un diabète de type 2 (non-insulinodépendant, NDLR). Aux États-Unis, ça fait déjà 10 ans que ça existe. Il semblerait que Strasbourg soit une des villes les plus touchées d’après l’Observatoire régional de la Santé : le taux à Strasbourg serait 3% supérieur au reste de l’Alsace, qui est déjà au top en France ! On a pu voir que cette prévalence change beaucoup avec le niveau de précarité : les quartiers avec peu de moyens sont supérieurs à 77% à la moyenne alsacienne, alors que les quartiers aisés sont inférieurs de 3%. De même, le taux de diabète méconnu est de 2,5% en Alsace, contre 1,7% en France, et même de 2,8% dans l’Eurométropole. Ce sont des chiffres négatifs, mais aux États-Unis c’est 45%.
Y’a-t-il des signes annonciateurs ?
Chez l’enfant, c’est simple, il a soif, il maigrit, on s’en rend compte tout de suite. Si on parle du diabète de type 2, le plus fréquent, il n’y a pas de symptômes, mais on peut s’appuyer sur des facteurs de risque : du diabète dans la famille, un surpoids, un diabète pendant la grossesse comme c’est le cas pour 1 femme sur 7, de l’hypertension ou du cholestérol, et enfin l’âge. À partir de 45 ans, on est tous menacés. Le diagnostic est très simple, c’est une prise de sang, c’est tout. Mais il n’est pas prescrit suffisamment par les généralistes, sinon il n’y aurait pas de diabètes méconnus. Le grand échec aujourd’hui en France, c’est le non-suivi des femmes qui ont fait un diabète gestationnel. Or le diabète ne fait pas vraiment mal, ses complications oui.
Diabète et Covid sont-ils ennemis ?
Les diabétiques ne sont pas plus infectés, mais la maladie favorise l’apparition de formes sévères et de décès. 30% des gens décédés du Covid au niveau mondial pendant la première vague étaient diabétiques et 20 à 25% des diabétiques contaminés vont décéder, c’est énorme ! Le Covid a un impact indirect sur toutes les maladies chroniques, au travers des mesures sanitaires prises et notamment le confinement. La prise en charge a été moins bonne, on a diagnostiqué 70% de diabètes en moins en 2020, toutes les causes de consultation ont diminué sauf l’addiction à l’alcool. L’impact est sociétal et individuel, le comportement alimentaire a changé : les gens ont cuisiné à la maison, mais ils ont aussi consommé 40% de sucres raffinés en plus, des bonbons et des gâteaux, donc ce n’est pas bon. Il y a eu plus d’activité physique de loisir, mais la sédentarité a augmenté, notamment pour les enfants.
L’amélioration de l’hygiène de vie suffit-elle à contrer le diabète ?
Le premier traitement du diabète est l’activité physique, si vous bougez il n’y a pas de problème, et avant tout l’effort de résistance plus que d’endurance. On ne va pas courir 5 km, mais faire un peu de muscu, du haut du corps, des bras… Avoir une activité physique globale devient un vrai traitement préventif et curatif.