Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques jours de l’événement ? C’est un sentiment très fort pour vous ?
C’est intellectuellement très enrichissant, je souhaite à beaucoup de gens de vivre une expérience comme celle-là. Lorsque j’ai appris que le Guide Michelin voulait décentraliser l’annonce des étoiles du Guide, tout de suite je me suis demandé comment on pouvait faire pour que l’Alsace accueille un événement pareil, parce que Michelin, c’est ma vie. L’Alsace est un territoire riche, il n’y a pas que les étoilés, il y a aussi les restaurants gastronomiques, les étoiles vertes, les guides gourmands, tout cet écosystème qui tourne autour.
Pourquoi l’Alsace a été choisie par le Guide Michelin ?
Le Guide cherchait une identité, un territoire. Nous allons impliquer 300 collégiens qui vont assister à la cérémonie, il y a aussi tout le programme de l’année de la gastronomie en Alsace. J’ai envie de le dire clairement, sans les élus, on ne peut pas faire ce genre d’événement. C’est magnifique. Moi qui suis dans le cœur du réacteur de la CeA, je peux vous dire que je suis impressionné par leur travail. Le président Bierry est sur le terrain. Il souhaitait que cet événement soit pluriel. Nous avons un vrai projet d’orientation pédagogique dans la nutrition. En 2030, un quart de la population sera en surpoids. Ces difficultés existent dès le plus jeune âge et se poursuivent à l’âge adulte, avec tous les problèmes que l’on connaît, le regard des autres, l’accès à l’emploi, etc. On va se servir de l’année de la gastronomie et du Guide Michelin pour entrer dans les collèges, sans donner de leçon, on n’est pas dans le combat contre la malbouffe. Ce n’est pas un combat, c’est autre chose.
Qu’a apporté cette expérience dans votre vie ?
Elle m’a permis d’être encore plus dans l’écoute, encore plus dans le compromis, avec mes collaborateurs, pour moi mon entreprise appartient à mes collaborateurs. Ici au Léonor avec nos 54 collaborateurs ou à La Fourchette des Ducs où nous sommes 17. Je crois encore plus à l’humain. J’aurai appris que là où il y a de l’envie, il y a un chemin. On s’est battu pour cet événement. Alors bien sûr, comme disait le Général Tavel, il y a aussi 10 % de connards. Il y en a qui ont voulu que je me gaufre, j’ai des noms (rire…)
Avant l’événement, avez-vous déjà gagné ? L’événement est là, il y aura 800 chefs, plus de 250 journalistes.
À quelques jours de l’événement, nous sommes dans l’ajustement et dans la gratitude. Pour le dispositif complet, nous avons des partenariats avec l’entreprise Massenez, la Chambre des Métiers et ses Corporations, Strasbourg Events qui met le Palais de la musique et des congrès à notre disposition, les Vins d’Alsace, Café Reck, Carola ou CHR Alsace avec qui nous avons signé des conventions de mécénat. Je ne les remercierai jamais assez.
Donc c’est déjà gagné ?
Gagner, pour moi, c’est péjoratif, c’est un travail collectif vous comprenez. Mais si c’est raté, c’est à moi qu’on coupera la tête. Ça fait partie du job. Il a fallu convaincre, dire que c’était une belle occasion de montrer que l’Alsace est belle et dynamique, une occasion de montrer notre jeunesse, nos meilleurs apprentis de France. Il faut soutenir les jeunes, leur montrer que c’est par la notion de travail que l’on peut aboutir à ce que l’on veut, qu’il faut avoir des convictions. Les jeunes vont voir tout ça, ici, en Alsace. Moi je n’ai pas connu cet événement, à mon époque c’était un journaliste qui appelait en disant «Bonjour chef, vous avez votre première étoile, quelle est votre réaction ?» La première fois, j’ai cru qu’on nous faisait une blague. Maintenant, on fait le show, on théâtralise et je suis content. Notre métier a évolué, nos maisons ont évolué, et moi je suis heureux que l’on véhicule ce message-là.
Effectivement, je vous sens très heureux !
Oui, pour moi la gastronomie c’est pluriel, cela rassemble, c’est un échange. Avec cet événement, on a pu mettre beaucoup de monde autour d’une table, des gens qui veulent montrer leur savoir-faire, qui sont fiers, et ça, c’est important. Des boulangers, des pâtissiers, des bouchers, des charcutiers, des glaciers ont répondu présents, mais aussi l’Umih, toutes les associations, et je tiens à le dire, la Fédération des Chefs d’Alsace qui est sur le terrain. Les chefs prennent de leur temps pour faire vivre la caravane gourmande. Je suis très fier de tout ça.
L’attribution des étoiles aux restaurants alsaciens est-elle sur un terrain glissant ? Pour votre restaurant à Obernai par exemple, il est possible que la troisième étoile tombe, à un moment ou un autre !
Ou pas ! Non, ce n’est pas un terrain glissant. À aucun moment Gwendal Poullennec, le directeur des Guides Michelin et ses inspecteurs ne sont mes interlocuteurs, je ne travaille pas avec eux. Je ne leur parle pas. S’ils décident que des établissements en Alsace doivent obtenir une étoile, et j’espère qu’il y en aura beaucoup parce que ça prouvera que notre territoire est attractif, cela sera formidable. Alors c’est certain que les détracteurs diront que l’Alsace a fait un chèque, mais ça m’étonnerait que l’on s’étonne d’une troisième étoile pour un restaurant bien connu de Kaysersberg. Pareil pour les sept restaurants 2 étoiles en Alsace, ça ne sera pas une grande surprise. Si aucun d’entre eux n’obtient une troisième étoile, on dira que c’est incroyable avec le chèque que l’on a fait, mais cela n’a pas de rapport, les inspecteurs du Guide sont souverains. Je peux juste dire que chez moi, un inspecteur est venu, il nous a contrôlés et il a payé son addition, nous n’avons pas du tout communiqué, mais je sais qu’il était chez moi.
Le chiffre : 800
Le 6 mars prochain à partir de 10h à Strasbourg, tous les chefs 3 étoiles d’Europe, tous les étoilés français assisteront à la présentation du palmarès des étoilés français du Guide Michelin. Ils seront 800 chefs, ce qui sera le plus grand rassemblement de chefs étoilés jamais organisé. Plus de 250 journalistes, blogueurs, influenceurs venus du monde entier ont demandé une accréditation.