Vous êtes architecte de formation, quel est votre parcours jusqu’à sortir Rue de la Grande Truanderie aux éditions Grand angle ?
Romain Rousseaux Perin : J’ai fait de la BD très tôt parce que j’ai eu une maladie génétique de croissance, qui m’a empêché de marcher un petit moment durant l’enfance. Pour tuer le temps, j’ai commencé à reproduire les BD qu’on avait, Tintin, Astérix, Lucky Luke… Au moment de choisir mon orientation, on m’a dit qu’il fallait un métier qui paie bien, j’ai choisi l’architecture qui finalement restait assez proche de mon intérêt pour le dessin. Puis je me suis laissé embarquer dans une thèse de sociologie… J’enseigne les sciences sociales à l’école d’architecture de Nancy, histoire que mon doctorat serve à quelque chose ! J’ai 32 ans, ça a un peu retardé mon arrivée sur le marché de la BD.
Comment avez-vous rencontré Jean-David Morvan, auteur notamment de Sillage ?
Comme on habitait à Reims et lui aussi, il était en dédicace à la librairie où j’avais mes habitudes, et je lui ai montré mes planches. JD voulait me faire travailler sur un projet porno, peut-être pas la meilleure idée pour commencer ! Personnellement je suis plus porté sur la période contemporaine, mais le sujet croise la sociologie d’architecture, je connaissais le Familistère de Guise par mes études et la proximité géographique de mes origines—je suis de Charleville-Mézières. C’était un scénario taillé sur mesure, qui attendait le bon dessinateur depuis vingt ans dans ses tiroirs…

Les bâtiments sont hyper réalistes, comment vous y êtes-vous pris pour dessiner Paris ?
Ce n’est pas simple ! C’est le Paris de 1860-70, quand la ville a subi ses plus grandes transformations. Je prends l’exemple de l’Hôtel de Ville : il a subi une destruction par incendie puis une reconstruction, puis une déconstruction et une reconstruction, il ne fallait pas se tromper ! La photographie est balbutiante à l’époque et les vues aériennes n’existent pas. La difficulté, c’était de recomposer le Paris tel que je voulais le dessiner sans avoir à recopier des illustrations existantes ou de photos plus tardives. Le dessinateur, c’est aussi un metteur en scène qui fait des choix de cadrage, et ça implique un travail de composition. Le familistère de Paris n’a pas existé, donc la vue aérienne avec l’effet fish-eye, c’est une invention. Cela crée une confusion, d’autant que la rue de la Grande Truanderie existe… Ce que je voulais, c’est que toute la partie fictive paraisse totalement réelle.
Le tome 2 est prévu en février. En dédicace les 23 et 24 août au Salon de la bande dessinée et de l’illustration de Molsheim.