L’oncle Jean, qui habitait loin dans les Vosges, et qui était mon parrain, avait une caravane. Une année, il s’est arrêté rue des Fourmis, de retour du Portugal, au bout du monde. C’était avant les diapos, je n’ai donc pas d’images en mémoire, mais il racontait bien ses voyages tous les ans, l’Italie, la Yougoslavie, il racontait surtout les pannes de voiture et la boule de la caravane qui cassait dans les montées.
C’était une caravane ronde de marque Escargot et il fallait freiner dans les descentes sinon la voiture partait tout droit « dans le décor », j’aimais bien imaginer le décor, comme au théâtre. L’oncle Jean était l’instituteur et le secrétaire de mairie de Grandvillers et tante Ninette l’institutrice. Les élèves de Grandvillers devaient certainement apprendre la géographie grâce à leur voyage.
Quand papa a acheté la 2CV, il a emprunté de l’argent à son frère qui ensuite a demandé une caution de la Caisse d’Épargne ce qui a coûté très cher. Je crois qu’on a été brouillé pendant des années. C’est une leçon, avait dit maman, jamais d’histoire d’argent dans la famille. Au bahut à Haguenau, il y avait un prof de sciences-nat qui organisait tous les ans un voyage en autocar avec les autres profs. Il avait un surnom, je ne me souviens plus lequel. Lui faisait déjà des diapos, de retour de voyage, il enlevait sa blouse blanche scientifique et nous faisait une projection en classe, au lieu de découper une grenouille.
Ambroise Perrin