Maxi Flash : Vous souvenez-vous du premier costume que vous avez cousu ?
Rita Tatai : Le tout premier, je devais avoir 8 ans, on était en Afrique, j’ai vu un grand morceau de tissu dans le placard, j’ai coupé dedans et c’était la moustiquaire ! (rires) Pour les vrais costumes, j’avais 14 ans et j’ai monté une pièce de théâtre. J’ai toujours les jupons du French cancan cousus dans des rideaux sur la machine de maman… Je suis amoureuse des costumes du plus loin que je remonte, j’ai toujours été fascinée par le tissu, et par les spectacles de folklore. Les costumes traditionnels ont un sens, ils racontent une histoire, la religion, si la femme est mariée, si elle a une dot, c’est une carte d’identité dans tous les terroirs.
Comment avez-vous modernisé le costume alsacien ?
J’avais Geht’s in en tête depuis longtemps, car ça m’embêtait de louer du Dirndl allemand pour une fête alsacienne ! (rires) Beaucoup de costumes traditionnels en Europe sont composés d’un corselet et d’une jupe attachée, ce sont les détails qui font la différence. J’ai supprimé le tablier mais gardé la découpe du dos, le laçage devant, réinterprété le plastron… Je remets des caractéristiques de la région pour que tout le monde s’y retrouve, le costume protestant avec sa jupe verte, le kelsch millénaire, l’étoffe de Noël de Mulhouse… Pour les hommes, le gilet alsacien avec la version unie Hopla, et le Schatzi qui est damassé. Tout le travail sur ces dix années, c’est de le mélanger avec les vêtements de sa garde-robe, avec jean et tee-shirt, pour le démocratiser !
Tout comme l’Elsass rock, j’appelle ça une robe caméléon : chacune se l’approprie selon comment c’est accessoirisé, avec escarpins ou baskets.

Quelle est la tendance au niveau de la demande ?
La première année j’en ai vendu six, il fallait avoir le moral ! Maintenant, on a un petit rythme de 250-300 par an. Quand on va à une fête, on en croise, et les clients aussi me le disent, les gens se parlent, se sourient, il y a un effet de sympathie. Je me dis que si plus de gens en portaient, on se parlerait plus en Alsace ! Cela doit mûrir dans la tête des gens, parce que le costume est porteur de sens, il rattache à des racines, à la grand-mère, aux souvenirs d’enfance, il est souvent émotionnel, et fait pour durer.
Que signifie ce Bretzel d’or pour vous ?
C’est un petit coup de lumière sur le renouveau du costume, après dix ans à croire profondément à ce qu’on fait. Avoir une reconnaissance de la part de l’Institut des arts et traditions d’Alsace, ça fait plaisir, je me dis tiens, ils ont remarqué que j’existais au fond de ma cour ! (rires)
En plus, à Saverne, c’est symboliquement important, parce que ma salle de classe se trouvait à l’espace Rohan, c’est une espèce de boucle pour moi. J’ai apporté ma pierre et d’autres la porteront après, ce qui important c’est d’avoir fait renaître ça, avec toutes les filles de l’atelier, les mannequins, les clients qui partagent mes posts… Le Bretzel d’or est à tout le monde, merci à eux !
L’info en plus
L’Atelier de la Colombe a trois pôles : la création de costumes pour la scène ; la location de costumes ; et Geht’s in, la revisite du costume alsacien. À retrouver sur www.atelierlacolombe.fr, 0388221781