Stéphane Censi est originaire de Nice, il est arrivé en Alsace pour une nouvelle expérience de prof d’italien, ne pensant faire qu’un court passage, mais, comme souvent, il s’est attaché à la région. C’était il y a maintenant 15 ans. Il vit et enseigne (également à Sciences PO et à la Fac de Strasbourg) à Haguenau. Dessinateur de BD et illustrateur, Stéphane Censi mène une double carrière et propose pour cette fin d’année LAMEX (Chapitre 1) avec Bernard Riebel (Éditions du Bastberg).
Vous êtes prof, mais le dessin de BD occupe votre vie depuis longtemps ?
C’était un rêve d’enfant. Ma mère dessinait déjà, ses œuvres étaient accrochées sur les murs de notre appartement. Mes parents m’ont offert des BD assez tôt. Je lisais Tintin, Astérix et Obélix et Lucky Luke. Quand j’avais terminé de lire un album, quand Lucky Luke partait en chantant au coucher du soleil, j’imaginais la suite et je la mettais en images. Je me souviens qu’en CM1, quand il pleuvait, on restait en classe et je dessinais Lucky Luke à cheval qui désarmait les Daltons, à la craie au tableau. C’est là que le prof m’a encouragé à créer mon propre personnage. C’est ce que j’ai fait, j’avais 10 ou 11 ans.
Et toute la palette des BD vous a intéressé. Manga, comics US, BD franco-belge. Pour Lamex qui vient de sortir, c’est du côté du manga. L’histoire se déroule au coeur d’une région fantastique située à l’ouest du fleuve Rhein dans le massif forestier des Fogsen. Le pays du Westrich est sans défense, depuis que la plupart de ses combattants sont partis guerroyer dans le sud avec leur seigneur Karlus. De passage dans la contrée, l’archer Lefson, le nain Tox, la guerrière Graël et la savante Selna ont trouvé refuge auprès des habitants du village de Lamex, dont la doyenne magicienne Poho et quatre vierges assurent la protection au moyen d’un dôme d’ondes invisible et d’une pierre magique. Cette dernière suscite bien des convoitises… Les noms ne sont pas tout à fait les mêmes, mais cela ressemble étrangement à l’Alsace, les lieux sont assez identifiables. Comment est né ce projet ?
Bernard Riebel voulait faire un manga, un vrai manga noir et blanc. Il est venu à la Japan Addict organisée à Strasbourg, il a fait le tour des stands, il a aimé mon style et m’a parlé de son scénario. On a commencé à travailler ensemble. Tous les éditeurs l’ont d’abord refusé. J’ai proposé à Bernard de changer de format, de garder le style graphique, mais de se situer entre le manga et le format franco-belge, 48 pages couleur A4 cartonné, on a été obligé de revoir l’histoire, Bernard a eu de nouvelles idées pour développer la BD en trois volumes. Et le Bastberg a décidé de nous publier. Ce qui est drôle, c’est que Philippe Krauth, l’éditeur, était l’un de mes élèves ; il était en 3e en 2002 au Collège Kléber, je l’ai même suivi jusqu’au bac et il est maintenant mon éditeur.
Comment êtes-vous organisé pour travailler ?
J’aimerais travailler chaque jour sur le dessin, mais cela dépend du temps disponible. Heureusement, j’ai la chance de ne pas avoir besoin de beaucoup d’heures de sommeil, 4 ou 5 heures et je suis en forme, alors je dessine le soir ou la nuit quand la maison est silencieuse et que ma famille est endormie.
Un mot sur votre région d’adoption, l’Alsace du Nord.
Ce n’était pas l’un de mes premiers choix. Quand je suis arrivé, je pensais rester deux ans. Certains de mes collègues avaient vécu la même situation, ils me disaient que, comme moi, ils n’imaginaient pas rester, mais qu’ils étaient là depuis quinze ans. Je rigolais bien entendu, j’étais persuadé de partir assez vite, et puis, finalement, j’ai commencé à apprécier la région, je me suis fait des amis. Ma femme m’a rejoint en 2005, et nous sommes durablement installés.
Quel est votre plus grand rêve ?
Que Lamex soit publié au Japon, que l’on puisse en faire un dessin animé ! Le manga français commence à prendre de l’importance, la concurrence est rude, mais on ne sait jamais !