Maxi Flash : Comment a débuté votre aventure avec la Klein Dominikaner Bühn ?
Laurent Fischer : En 1995 lorsqu’elle a fêté ses 10 ans. On m’a demandé d’écrire une revue qui devait être unique, elle a tellement bien marché que depuis 25 ans j’écris tous les deux ans une nouvelle revue pour la troupe.
L’Alsace est une terre de revues avec la Choucrouterie, la Revue scoute et d’autres, inscrivez-vous dans cette tradition-là ?
Un peu oui, mais aussi dans celle de Germain Muller et du Barabli. Plutôt dans cette veine-là. D’ailleurs, nous avons proposé sa grande pièce « Redde m’r nimm devun ». Je me suis inspiré de l’œuvre de Germain Muller, surtout au début, c’est une référence, mais au bout d’un certain temps, on se détache du maître.
Vous n’avez pas joué uniquement de l’alsacien, mais les dix petits nègres, la femme du boulanger ou du Feydeau…
J’essaye de chercher dans le répertoire des pièces qui peuvent s’adapter en alsacien. C’est mon travail, en alternance avec la revue. Pour la mise en scène, nous sommes assistés depuis quelques années par un comédien professionnel en résidence à Wissembourg. Ça fait beaucoup de bien à la troupe.
Un mot sur le contenu de la revue 2020 ?
Il y a des sketches écrits en alsacien, surtitrés en français, d’autres bilingues où l’on passe d’une langue à l’autre et environ 35 % des scènes en français. Nous abordons des thèmes de société et d’autres beaucoup plus locaux ; cette année nous avons le « tout drive », les croisières « alles inklusiv », les nuisances de voisinage, le désir de région, le sentier des cimes de Drachenbronn, les nouveaux services de la poste pour les 3e et 4e âges, la campagne dite de notoriété «Osez le grand nord», sans oublier les municipales, dans une alternance de sketches et de chansons.
La revue attire environ 2000 spectateurs tous les ans, ça marche bien. C’est un rendez-vous attendu, et cette année le titre fait référence aux gilets jaunes, c’est bien cela ?
Je me demandais si on allait encore parler des gilets jaunes au printemps 2020, mais quelque soit la réponse, il ne faut pas pleurer dans les gilets, donc j’ai pris la prononciation dialectale, en alsacien on ne dit pas gilet, mais chilet. Si nul ne sait si les ronds-points refleuriront de jonquilles gilets jaunes, la KDB invite parfois à rire jaune. Pour moi, le titre est une référence à la phrase de Figaro dans le Barbier de Séville qu’il disait : « Il faut s’empresser d’en rire pour ne pas avoir à en pleurer ». C’est cette idée-là.
Pourquoi aimez-vous tant chaque année mettre en scène une pièce ou une revue avec la Klein Dominikaner Bühn ?
C’est intéressant, c’est une aventure humaine, c’est ça qui me motive. Parfois, je me demande si je ne vais pas arrêter, mais tant que la troupe est soudée, tant que les gens en ont envie, tant que j’en ai envie et que je suis en forme, je continue. Quand je regarde autour de moi, je me dis que j’ai de la chance de pouvoir faire cela.
Qu’avez-vous envie de dire aux spectateurs qui vont venir voir la revue ?
On trouve toujours des motifs de pleurer, ou d’être en colère comme on dit maintenant, parce que tout le monde est en colère ; je dirais qu’il faut quitter un peu cette colère de temps en temps, prendre quelques distances, l’humour est la façon la plus intéressante de créer
ce décalage.