Merci ! Merci un demi-siècle plus tard, de la part d’un gamin de 15 ans. C’était le Rallye des Gosses de monsieur Gérard Mengus, président (ou chef) de l’AGF, l’Assemblée Générale des Familles, un prof ami de mon père au Collège technique industriel, 123 route de Strasbourg. Les doctes sociologues disent que la vie associative forme la jeunesse et le sens des responsabilités. J’étais moniteur, un groupe d’une vingtaine de gosses du quartier et on faisait des jeux de piste pendant les vacances. Il y avait aussi une monitrice plus vieille, elle avait 17 ans. On comptait avant et après pour qu’il ne manque personne. Certains étaient plus âgés que moi, mais c’est moi qui choisissais les rues avec des flèches à la craie et une croix pour faire demi-tour, et je coinçais des papiers pliés entre deux pierres : « Combien reste-t-il de cerises dans le cerisier ? »
On marchait beaucoup, on inventait des catastrophes. Plus tard, on a eu un local au rez-de-chaussée du 185 Grand’rue, et la cuisine est devenue un labo photo, on avait la clé, on pouvait venir quand on voulait et s’enfermer dans le placard avec la copine pour expliquer comment enrouler le film sur la bande gaufrée de la cuve de développement Prestinox ou dans les spires de la roue de la cuve Paterson, l’essentiel étant d’avoir nos mains sur nos mains dans le noir. C’était le prolongement du Rallye des Gosses. Tout le monde voulait développer des photos, le révélateur, le fixateur, l’agrandisseur et les boums dans la pièce d’entrée.
On nous faisait confiance. La fenêtre à côté de la porte d’entrée était en Œil de bœuf.
Ambroise Perrin