Maxi Flash : Qu’est-ce qui vous a menée à la direction littéraire de la collection Graine d’Histoire des éditions de la Nuée bleue ?
Sylvie de Mathuisieulx : Il y a bientôt deux ans, nous avons eu une rencontre à trois, Mathilde Reumaux, directrice de la Nuée bleue, Daniel Fischer, agrégé et docteur en histoire, et moi. C’était presque un malentendu : à l’époque, je trouvais dommage que mes chroniques radiophoniques soient perdues pour l’éternité. Alors je suis allée voir Mathilde Reumaux que ça n’intéressait pas du tout, mais qui rêvait de faire de la jeunesse. On a eu une rencontre absolument magique. Daniel Fischer a eu d’entrée de jeu le rôle de directeur scientifique spécialiste de l’Histoire, moi directrice littéraire, et on a immédiatement pensé à Benjamin Strickler pour les illustrations.
Le retour du soldat malgré lui est donc signé de vos trois noms ?
Les six premiers tomes de la collection ne sont signés que par deux noms, l’auteur et l’illustrateur. Or Daniel Fischer a eu envie d’écrire un livre lui aussi, de sa plume, et ne pas être seulement celui qui fait le petit cahier historique à la fin. On s’est rendu compte que c’était plus sympa que je lui donne un coup de main, parce qu’on ne s’improvise pas auteur jeunesse. Il a fait un premier jet de l’histoire, qu’il a complètement construite, et moi j’ai prêté ma plume pour la forme.
On connaît très peu la suite de l’histoire des Malgré-nous, à leur retour…
C’est quelque chose de très douloureux, autant que le reste de leur histoire. Ce sont des gens vraiment fracassés, et qui n’ont plus été aptes à se glisser dans les chaussons qu’ils avaient avant. Daniel Fischer est toujours l’enquêteur de service pour trouver des infos, le décor, le détail réel et amusant, mais aussi des témoignages. Pour ce livre-là, il a notamment rencontré plusieurs fois l’un des derniers Malgré-nous et il l’a beaucoup fait parler. On a aussi appliqué l’idée forte de la série, une histoire qui n’est pas vraie, mais aurait pu l’être.
C’est en fait apporter l’Histoire à travers des histoires ?
Très souvent, les romans historiques pour la jeunesse sont écrits par des historiens comme des documentaires un peu romancés. Nous, on voulait que l’important soit le roman, une aventure passionnante et palpitante. C’est pour ça qu’on fait appel à des auteurs jeunesse chevronnés et connus, et le côté historique est vraiment un plus, c’est l’écrin. Le gamin va apprendre un tas de choses sur le contexte général de ce roman.
Comment choisissez-vous les thèmes ?
J’ai en ce moment beaucoup de commandes, mais ça dépend terriblement des textes. Ce que je choisis de façon certaine, c’est la manière de traiter les questions. En revanche, j’ai une espèce d’obsession : c’est de faire réfléchir en souriant et sourire en réfléchissant. Si j’aime tellement écrire pour la jeunesse, c’est parce qu’à mon sens, les histoires, c’est la seule chose qui peut encore sauver les enfants, parce qu’on est dans un tel merdier ! Ça leur permet de se documenter, se cultiver, s’évader, rêver, voyager…
Que souhaitez-vous transmettre aux enfants ?
Donner l’amour de la lecture, avoir davantage de vocabulaire pour affiner leur pensée, leur permettre d’avoir mille et une vies, plus ou moins longues, plus ou moins drôles, étonnantes, magiques, historiques, sérieuses… Puisque le seul moyen de vivre plusieurs vies qu’on ait trouvé, c’est d’écouter, de lire ou de raconter des histoires. Je pars du principe qu’un enfant ou un adulte qui aime lire ne sera jamais tout à fait malheureux dans sa vie… Pour moi, c’est important de permettre à un enfant de se rapprocher de la lecture, c’est le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un mouflet.
Vous allez d’ailleurs à leur rencontre dès que possible…
Le travail d’auteur est extrêmement solitaire, on est tout seul devant son ordinateur. Quand on écrit une histoire, on est très isolé, vraiment dans sa grotte. On ne rencontre ses lecteurs qu’à des moments privilégiés comme les salons du livre, ou des rencontres scolaires. Cela permet de faire découvrir à la jeunesse la chaîne du livre ou des ateliers d’écriture, pour les faire inventer et écrire des histoires. En termes de plasticité cérébrale, c’est vachement sympa !
Vous avez donné naissance à la série animée à succès Angelo la Débrouille dans Comment faire enrager… Racontez-nous.
La série Angelo la Débrouille fête cette année sa cinquième saison (avec au moins 50 épisodes par saison, NDLR). Je suis un peu sa vraie maman. Au départ, c’était huit bouquins qui s’appelaient Comment faire enrager… J’ai donc trouvé rigolo de l’appeler Angelo qui ressemble au terme d’angelot, alors que c’était un petit monstre. Et la Débrouille, car à l’origine c’était un anthropologue qui s’amusait à faire enrager maman, papa, cousins, Pierre, Paul…et qui arrivait à ses fins en ayant observé comment réagissait la nature humaine. Il embêtait tout le monde, mais c’étaient bien sûr des guides du savoir-vivre à l’envers, ce que j’expliquais à la fin, mais que les enfants comprenaient tout de suite, les adultes non ! C’était pour parler en riant des choses qui fâchent ! En tout cas, ça me permet d’avoir mon quart d’heure de gloire, que je sois au Liban, en Italie ou en Suisse, tous les enfants connaissent Angelo la Débrouille !