J’aime ce fruit de courte saison qui a un parfum mêlé de miel et vanille et qui vient saluer l’été lorsqu’il cligne déjà vers l’automne. La mirabelle est un enchantement, qu’elle soit d’un jaune pâle, avec encore quelques traces de vert, ou qu’elle soit déjà très parfumée avec des joues tachetées de rose.
Les mirabelles correspondent de plus à un beau trait d’union, e scheener Bìndestrìch, entre l’Alsace et la Lorraine. Elles s’épanouissent dans les deux régions, même si c’est la Lorraine qui a la plus forte production nationale, avec ses 15 000 tonnes annuelles de mirabelles, dites de Nancy et de Metz. Les deux variétés se ressemblent comme des jumelles, si ce n’est que celle de Nancy est plus grosse. Il reste que la mirabelle se plaît aussi en Alsace et que les mirabelliers créent une belle harmonie dans nos paysages.
Si j’aime tant la mirabelle, c’est aussi parce que, dès mon enfance, je la voyais dans le verger. Du fleurissement jusqu’au fruit à maturité, je regardais ses évolutions. Et quand venait la cueillette, j’étais ravie de pouvoir entrer dans l’arbre, pour constater que les abeilles et les guêpes avaient eu la même idée que moi.
Lorsque je cueille les mirabelles, j’aime sentir que l’été est encore là, même s’il a déjà des parfums de rentrée. Les mirabelles seront transformées en compote, en confiture et en tarte. Comment préférez-vous cette tarte ? Plutôt avec le fruit pur, avec simplement un voile de sucre et même sans car le fruit en contient assez ? Ou alors avec un flan ? Ce point suscite discussions et divisions : à chacun son goût, qui vaut bien celui de l’autre.
Jean-Marie Hincker, qui est maître-pâtissier à Cernay, aime verser sur la tarte garnie de fruits, avant de l’enfourner, un flan fait avec 2 œufs, 100 g de sucre, 30 g de farine, 125 g de crème, 125 g de lait. Après 30 minutes de cuisson à 180°, il la couvre d’un streusel ou crumble fait avec 125 g de farine, 60 g de beurre, 60 g de sucre et 1 pincée de cannelle et l’enfourne à nouveau pour 25 minutes. Le streusel la rend croustillante. La tarte aux mirabelles peut aussi se faire en tarte tatin. Marie-Reine Steiner du restaurant À l’Étoile d’or à Pfaffenhoffen aime transformer les mirabelles en Bettelmànn, c’est-à-dire en mendiant.
Les mirabelles, revenues au beurre à la poêle, accompagnent aussi fort bien les escalopes de foie gras. Et elles se congèlent, pour être présentes aux fêtes et à tout moment de l’année. Congelez de préférence les mirabelles dénoyautées, séparées les unes des autres, avant de les réunir dans un sachet une fois congelées : vous pourrez ainsi, au fil de l’année, vous servir par poignées qui ne sont pas agglutinées.
Je me souviens des mirabelles que Maman mettait en conserve dans des bocaux de verre avec, en jointure, des rondelles de caoutchouc rose. Ils étaient ensuite entreposés à la cave et nous assuraient pour les saisons d’hiver la présence des fruits dans des repas. Parmi mes souvenirs intenses de saveurs, je pense aux quenelles de semoule, Griesknepfle, que Maman accompagnait de mirabelles au sirop, un peu trop ramollies à mon goût, mais qui gardaient cette saveur irrésistible de vanille et de miel.
Le mot mirabelle est joyeux et chantant. Au point qu’il séduit aussi en… prénom : il est donné à une dizaine de filles chaque année en France. L’une des plus célèbres est Mirabelle Thovex, snowboardeuse des Alpes, spécialisée dans la discipline du half-pipe.
Belle saison des mirabelles ! Elle est rendue plus précoce par la canicule. Sa saison est toujours courte, c’est peut-être aussi pour cela qu’on l’aime tant. Et bel été encore !