Dans les années 60 et 70, du nord au sud de l’Alsace, les baigneurs se retrouvaient sur les bords du Rhin, et côtoyaient guinguettes et promeneurs. Aujourd’hui, « depuis la canalisation, on lui tourne le dos, parce qu’on est face à un mur de 10 mètres par endroits et des sites industriels partout », déplore Laurent Schmitt, l’un des auteurs de Rhin vivant. Si l’on considère la pêche, les livres de gastronomie attestent que « le poisson tenait 30% de la place dans l’alimentation ; d’ailleurs la première mention de la choucroute en Alsace au 16e siècle était au poisson, appuie l’auteur. On a peut-être intérêt à retrouver ce lien social ».
Trois auteurs, deux photographes
Enseignant-chercheur en géographie, et premier vice-président Développement durable et responsabilité sociétale à l’Université de Strasbourg, Laurent Schmitt a été sollicité par Roland Carbiener, 92 ans, professeur honoraire et président d’Alsace nature pendant 25 ans. « Roland et moi sommes passionnés par le Rhin. En 2003, il m’a demandé d’écrire un article scientifique. Nous avons travaillé par intermittence et le texte était de plus en plus long parce que les poissons, la spécialité de Roland, nécessitent beaucoup de descriptions, à partir de ses observations naturalistes pendant plus de 70 ans de pêche ». Lorsque Roland perd sa femme il y a un an et demi, le projet est relancé avec l’aide d’Annik Schnitzler, son ancienne élève et troisième auteur, comme un hommage.
Laurent Schmitt précise : « Annik clarifie le texte, fait la part entre témoignages et côté scientifique. Au-delà de l’approche esthétique, le texte est très travaillé ». L’abondance d’illustrations—les photos sous-marines de Serge Dumont et les paysages de Gérard Lacoumette, les gravures, les cartes et vues d’artistes, les photos de famille—viennent alléger le propos. La question des aménagements du Rhin au cours des siècles mène à sa gestion actuelle et sa restauration.
Bio-climatisation
« Penser l’avenir du fleuve avec le changement climatique, c’est ma thématique de recherche, glisse l’auteur. Il s’agit d’accompagner les politiques publiques de façon durable ». Par exemple, pour rafraîchir les températures, inonder la forêt alluviale permet d’« augmenter la biodiversité mais aussi de favoriser l’évapotranspiration, soit une bio-climatisation totalement gratuite et qui tiendra une place de plus en plus importante au cours des canicules à venir ».