C’est difficile d’être supporter. Et il n’y a qu’un vrai supporter pour comprendre un autre vrai supporter. Vu de l’extérieur, je comprends que ce soit étonnant : on est joyeux quand notre équipe gagne, on est triste, voire agressif quand notre équipe perd – et qu’en plus elle a été nulle.
Les sentiments qui accompagnent « les vrais » sont à la fois les plus purs et les plus violents. Ils ont tout donné, dépensé leur argent, fait parfois des centaines de bornes pour venir encourager leur club ou leur joueur préféré (oui ça marche aussi avec les sports individuels), et quand il y a la défaite au bout, un sentiment profond de frustration peut vite se transformer en haine. L’amour, la haine, je ne vous la fais pas, vous savez à quel point les deux sont proches.
Et c’est parfois au sein d’un même match que les émotions se diffusent sans concertation. Prenons le récent Racing-Troyes. À 0-2, la moindre passe un peu trop longue ou le moindre crochet manqué par un Strasbourgeois était accompagné de sifflets et de petits mots pas si petits. À 2-2, dans une dynamique singulièrement inversée, les mêmes gestes manqués recevaient alors des encouragements. On est passé en vingt minutes du « Mais c’est nul ! » au « Raaaa dommage ! Allez, la prochaine ! » La fin, on la connaît. Elle est cruelle et interroge pour la suite de la saison *.
Quand tout s’effondre
C’est là qu’on se rend compte que du traum au trauma, il n’y a qu’un A (les deux mots n’ont rien à voir, mais pourquoi se priver d’une petite pirouette ?). On peut baigner en plein rêve quelques semaines, voire une saison, puis voir tout s’effondrer. Et ne venez pas nous dire que « ce n’est que du sport » !
Si l’étymologie allemande de traum (le rêve) m’échappe, celle de trauma est plus accessible : blessure, en grec. Ce petit parcours d’une lettre m’amène à avoir une pensée pour un ancien du Racing, Martin Terrier. L’attaquant du Stade Rennais est impressionnant depuis près de deux ans (33 buts et 12 passes sur les 68 matchs joués depuis le début de la saison 2021-2022). Il aurait mérité – selon moi – d’aller à la coupe du monde. Des clubs comme Manchester United, Tottenham ou Chelsea commençaient à préparer les chèques. Et lors d’un duel presque anodin contre Nice, en L1, Terrier a été victime d’une rupture des ligaments croisés. Martin nageait en plein rêve. Si le football charrie son lot de mecs insupportables, lui ne méritait pas cela.
*(Le Racing s’est incliné 2-3).