À l’époque, vous aviez 21 ans, la guerre en ex-Yougoslavie vous a-t-elle particulièrement touchée ?
Olivier Claudon : J’étais étudiant en économie, j’avais le goût du voyage et de l’aventure. Cela faisait presque un an qu’on avait des reportages sur les troubles en Croatie, les sièges médiatisés comme Sarajevo, les figures emblématiques comme le sniper et les bombardements qui visent la population… C’était le retour de la guerre en Europe avec l’idée qu’il fallait participer à une mobilisation. J’ai été profondément marqué, j’ai coutume de dire que je suis né en février 1993 quelque part entre Mostar et Sarajevo, en conduisant un petit camion dans ce convoi.
Vous avez donc vous-même pris le volant dans le convoi humanitaire Strasbourg- Sarajevo ?
Oui, un petit 3,5t qui ne nécessitait que le permis voiture. Ce qui est étonnant dans ce voyage, c’est qu’on part de Strasbourg avec des bouchons, puis on passe en Allemagne, en Autriche où il y a des skieurs, et on arrive en Croatie où des combats ont eu lieu, des maisons détruites, et au fur à et mesure que l’on s’approche de Sarajevo, on rentre dans l’intensité avec des combattants, des check-points… On est resté trois jours sur place, au contact des civils qui cherchaient de l’eau ou du bois dans la ville assiégée, ou se cachaient la tête à cause des snipers.
Quand vous êtes revenu, loin de vous l’idée d’un roman…
J’ai découvert les réalités de la guerre et la notion d’engagement. Un certain nombre de personnes vont vers l’associatif, la politique, le syndicalisme, moi je me suis tourné vers le journalisme après ça, avec l’idée que l’information permet de donner aux citoyens le moyen d’être plus libres dans leurs choix. Je suis revenu dans un état de sidération, je n’ai pas vu d’horreurs, mais j’étais bouleversé et amené à réfléchir sur mon rôle dans tout ça. L’envie d’écrire est venue une dizaine d’années après, j’avais des scènes, mais ce n’est pas une autofiction ni une reconstitution. Puis je me suis dit que j’aimerais faire une version très romancée de cette aventure incroyable qui sortirait trente ans après le convoi, parti le 17 février 1993.
Le chiffre : 6
C’est en millions de francs l’argent récolté par la coordination Alsace-Sarajevo pour constituer des colis et louer une soixantaine de camions, dont celui conduit par Olivier Claudon qui a transporté 800kg de chaussures.